Un petit feuilleton pour égayer les lundis...

La suite...
Le Chapitre 25.
On retrouve notre camarade Yboulados, qu'on découvre sous un nouveau jour. C'est nettement moins folklorique mais guère plus plaisant.
Et toujours, si vous avez des idées pour la suite de l'histoire, je suis preneur.
Si vous avez raté un chapitre, pas de panique : vous pourrez le retrouver dans les archives du blog (tout en bas, en cliquant sur "messages plus anciens", ou ici : le 1, le 2, le 3, les 4 et 5 , le 6, le 7 et le 8, le 9, le 10, le 11 et le 12, le 13, le 14 ...). Vous pouvez aussi trouver la liste sur le côté de la page.
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Bonne lecture...

lundi 28 mars 2011

Chapitres 15 et 16

- Mais c’était quoi, ce zozo ? Il est complètement givré ! s’exclama Pascal lorsqu’il fut seul avec Louise.

- Oui, je suis d’accord avec toi : il a un sérieux grain, mais pour le moment, le plus urgent me semble être de trouver un moyen de sortir d’ici. Les malades de son espèce sont capables d’à peu près n’importe quoi. En plus, j’ai vraiment faim, maintenant : je n’ai rien avalé depuis le petit dèj !

- J’ai mon portable : ils ne nous ont même pas fouillés ! dit-il en sortant l’appareil. Tu te rends compte ? Quelle bande de branquignoles ! Je vais appeler Police Secours ou un numéro dans ce genre. Je n’ai aucune idée de l’endroit où nous sommes, mais ça devrait leur être facile de localiser l’appel.

Il composa le 17 sur son téléphone, mais n’obtint aucune tonalité. A la place, le cadran indiquait "Couverture réseau insuffisante".

- Et merde ! Ça ne passe pas !

- Tu penses bien ! Ils le savaient. C’est pour ça qu’ils n’ont même pas cherché à savoir si nous avions nos téléphones.

- Peut être pas si branques que ça, après tout…

- Sans doute pas. Et même probablement dangereux.

- Il y a quand même une chose que je ne comprends pas, reprit Pascal après un silence, c’est comment des adultes peuvent croire à toutes les salades de leur Cosmo-machin. Ça ne tient pas debout, ses histoires. C’est du délire total !

- C’est bien pareil avec toutes les sectes. Et ce n’est même pas la peine de se dire que leurs victimes sont toutes des débiles, c’est même souvent plutôt le contraire. Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’ils recrutent parmi les paumés…

Malgré l’obscurité, Pascal entreprit d’explorer à tâtons leur cellule.

- Sers toi de ton téléphone, lui conseilla Louise, au moins, qu’il serve à nous donner un peu de lumière, à défaut de nous permettre de passer des appels.

Ils étaient dans une espèce de cave d’environ deux mètres de côté, ne disposant d’aucune autre ouverture que la porte, fermée d’une grille cadenassée, par laquelle ils avaient été poussés à l’intérieur. L’écran du téléphone éclairait faiblement pendant une demi-minute avant de passer en mode veille. Il fallait alors appuyer une nouvelle fois sur la touche Select pour trente nouvelles secondes de lumière. Pascal eut besoin de plusieurs demi minutes pour explorer les lieux.

Les murs semblaient avoir été creusés dans la roche, tandis que ce qui servait de plafond était un assemblage légèrement voûté de briques, tachées d’humidité. Pascal examina le cadenas et la chaîne qui retenaient la grille, tira dessus pour en éprouver la solidité, comme le font sans doute tous les prisonniers novices en découvrant leur lieu de détention, et conclut que ce n’était pas en tirant sur la chaîne qu’ils auraient une chance de sortir de là.

- Pascal, intervint Louise en sortant le pendentif de sous sa robe grise, il faut que je te montre un truc. Eclaire-moi.

- Quoi ? Le médaillon ? Ben oui, je savais que tu l’avais, et je me demande s’il n’aurait pas mieux valu leur donner. Ça nous aurait évité d’en arriver là…

- Eclaire moi, je te dis ! Tu me vois, là ?

- Bien sûr que je te vois. Tant qu’il y a de la batterie dans mon portable, je peux te voir…

- Bon, tu me vois bien ? demanda-t-elle, tenant le médaillon à la main. Je suis là, devant toi, d’accord ?

- Oui, mais je ne comprends pas où tu veux en venir.

L’écran du téléphone passa en veille et s’éteignit. Louise en profita pour appuyer sur le disque central avant que Pascal n’ait réactivé le clavier.

- Et maintenant ? Tu me vois ? demanda-t-elle lorsque la lumière fut revenue.

- Ben… tu es où ? demanda-t-il en la cherchant des yeux tout autour de lui.

- Ici : devant toi ! répondit-elle en lui posant un petit baiser sur le front.

- Mais c’est complètement fou, ce truc là ! Tu es devenue… invisible ? dit-il en lui posant la main sur l’épaule pour s’assurer de sa présence. Je n’arrive pas à le croire ! Comment tu as fait pour…

- C’est ça que je voulais te montrer : ce médaillon a le pouvoir de rendre invisible. C’est comme ça que j’ai "emprunté" les robes de bonnes sœurs ce matin.

- C’est extraordinaire ! Mais tu es sûre que ce n’est pas dangereux ? De disparaître comme ça, je veux dire…

- Je n’ai pas l’impression. Et puis je peux redevenir visible quand je veux.

Joignant le geste à la parole, elle appuya une nouvelle fois sur le disque central pour réapparaître. Puis elle lui raconta comment elle avait découvert les étranges propriétés du bijou, et ajouta que comme cette découverte coïncidait avec l’arrivée de Karine, elle avait choisi de ne rien en dire, à cette dernière, d’abord, mais même pas à lui. Pascal dût convenir qu’elle avait sans doute eu raison d’agir ainsi.

- Mais bon, reprit-il, ça te permet de devenir invisible, mais pas de passer à travers les murs… et c’est bien de ça qu’on aurait le plus besoin en ce moment.

- Je crois que ça peut quand même nous sortir d’ici, dit Louise d’un air mystérieux, mais à condition de s’y prendre comme il faut ! J’ai quand même besoin de vérifier quelque chose auparavant. Donne-moi la main.

Pascal prit la main de Louise dans la sienne et elle appuya sur le disque central. Ça marchait : ils avaient disparu tous les deux !

- Bon, maintenant, il va falloir trouver un moyen de faire descendre les deux gardiens jusqu’ici, et de leur faire ouvrir la porte…

- Heu… on reste invisibles ?

- Non, peut être pas pour le moment, répondit-elle en appuyant à nouveau.

- C’est vraiment génial, ce truc ! C’est un peu comme un interrupteur, au fond… Est-ce que tu as une idée de comment ça marche ?

- Pour l’instant, je constate que ça marche, et ça me suffit ! Pour le principe de fonctionnement, on verra plus tard.

- Tu as une idée pour attirer les deux gardes ici ? demanda Pascal.

- Une, oui… pas trente-six : crier ! On peut même commencer tout de suite si tu veux.

Ils s’époumonèrent pendant une dizaine de minutes : ils appelaient, prétendaient être malades, chantaient, imitaient des cris d’animaux… Ils avaient mal à la gorge et étaient sur le point de se décourager lorsque la lumière de l’escalier s’alluma. Quelqu’un venait ! Louise saisit la main de Pascal et pressa le disque central du médaillon.

Le grand maigre (Michard ou Lagarde?) arriva devant la porte grillagée et demanda d’un ton rude :

- Qu’est ce que vous avez, à cri… Ben ! Où ils sont passés ? Ça alors ! Mitch, viens voir ça : ils se sont échappés !

- Tu délires, mon pauvre vieux ! Comment veux-tu qu’ils soient sortis de là ? C’est fermé ! Et puis ils y étaient y’a pas trois secondes…

- J’te jure : viens voir. Ils n’y sont plus.

- Tu as mal regardé, dit-il en s’approchant de la porte et en balayant la cellule avec le faisceau d’une lampe torche qu’il avait apportée. Oh, pétard ! Mais c’est que t’as raison ! Ben merde alors, comment ils ont fait ?

- Ouais, ben on a intérêt à les retrouver en vitesse, sinon on va se faire engueuler !

Il poussa la porte en bois plein qui était en face de la cellule de Louise et Pascal. Elle n’était pas verrouillée et pivotait librement sur ses gonds. Michard entra prudemment avec sa torche, ressortit aussitôt et déclara :

- Sont pas là !

- Et au bout du couloir ?

Ils explorèrent la salle située à l’extrémité du couloir, arrivant à la même conclusion : les prisonniers s’étaient échappés.

- Ben merde, alors !

- On n’a qu’à dire qu’ils ont transmuté, sinon on va en prendre pour notre grade…

- Ouais, pas mal, le coup de la transmutation. Le patron va gober ça come une lettre à la poste. On lui racontera qu’ils sont devenus des souris ou un truc dans ce genre…

Et ils remontèrent l’escalier, puis éteignirent la lumière avant de fermer la porte en haut des marches.

- Quelle poisse ! s’exclama Pascal. C’est raté pour ce coup ci !

- On recommence ? On essaie de crier à nouveau ?

- Trop mal à la gorge : on va chercher autre chose, dit Pascal en s’asseyant contre le mur.

Louise vint s’asseoir à ses côtés et se blottit contre lui. Il l’enlaça. Elle se sentit presque rassurée. La fatigue accumulée au cours de la journée lui tomba sur les épaules, le froid, le manque de nourriture, aussi. Elle se mit à somnoler. Un moine vêtu de blanc était entré dans la cave où ils étaient enfermés. Il leur dit qu’il s’appelait Bruno Cartusianus, qu’il les avait mis en garde contre les dangers qu’ils auraient à affronter, mais qu’il leur faudrait aider le chien.

Louise voulut lui demander de quel chien il parlait, lorsqu’elle entendit l’animal en question qui gémissait de peur. Ouvrant les yeux, elle réalisa que la lumière venait de s’allumer dans le couloir.

Du coup, elle se réveilla tout à fait. Ce n’était plus un rêve : un chien était vraiment en train de gémir en haut de l’escalier, et quelqu’un, probablement Michard, essayait de l’obliger à descendre les marches.

- Pascal, vite ! Réveille toi : quelqu’un arrive !

Sans attendre sa réponse, elle lui prit la main et pressa le disque central du médaillon. Il était temps : Michard arrivait en traînant un petit chien, un genre de fox terrier, par le collier.

- Quoi ? demanda un Pascal invisible, dont la voix fut heureusement couverte par les jappements terrorisés du chien.

- Chhht ! Debout : on sort maintenant ! murmura-t-elle à son oreille.

- Maître Yboulados a dit de le mettre dans la cellule des espions, on le zigouillera demain matin ! cria le voix de Lagarde du haut des marches.

- Ben viens m’aider : je ne peux pas tenir le clébard et ouvrir le cadenas en même temps !

- Dis donc, t’es pas du genre dégourdi, toi !

- Oh ! Ça va ! Tiens, prends le collier.

- Ça paraît un peu gonflé, quand même, ton histoire des deux espions qui ont transmuté dans le corps du cabot ? Enfin il a gobé le truc…

- Bof, tu sais, moi… dit Michard en ouvrant la grille. Si c’est ce que Maître Yboulados a dit de faire…

- Mais il ne devrait pas y avoir deux chiens ?

- On n’en a qu’un. Où veux-tu qu’on en pêche un deuxième ?

Profitant de leur invisibilité, Louise et Pascal se glissèrent rapidement hors de la cellule. Le chien les avait sentis et faisait mine de vouloir les suivre.

- Vas-y : referme. Il est dedans.

Les deux hommes de main durent faire face à un nouveau problème une fois que la grille fut refermée : la tête du chien, ainsi que le reste de son corps, d’ailleurs, eteit suffisamment petite pour lui permettre de passer facilement entre les barreaux. Ils rouvrirent pour le remettre à l’intérieur, mais sans plus de succès que la première fois.

- Tant pis : on n’a qu’à le laisser dans l’escalier.

- Mais ça ferme pas à clé, là haut !

- Et alors ? Il ne va quand même pas soulever une targette comme ça !

Michard et Lagarde quittèrent l’escalier de la cave en fermant soigneusement la porte derrière eux. Louise et Pascal rejoignirent le chien qui grattait à la porte en geignant lamentablement.

- Chhht ! Tais-toi ! souffla Louise au chien.

Il sembla obéir un instant, mais se remit rapidement à gratter et à geindre.

- Tais-toi : je n’arrive pas à entendre !

Pascal gratouilla la tête du chien, qui resta silencieux pendant presque une demi-minute.

L’oreille collée à la porte, Louise cherchait à discerner un quelconque signe de présence de l’autre côté.

Rassurée par le silence, elle tourna doucement la poignée et entrebâilla la porte.

Tous trois sortirent sans un bruit.

(Chapitre 16)

La salle dans laquelle le grand maître de la secte leur avait fait son numéro quelques heures plus tôt était maintenant plongée dans l’obscurité. Seul un rayon de lune passant par les fenêtres apportait une vague lueur, suffisante toutefois pour se déplacer sans heurter les rares meubles que comptait la pièce. Les dernières braises rougeoyaient encore dans la cheminée, et Louise sentit avec plaisir l’odeur caractéristique du feu de bois dans le vaste salon.

Ce dernier aurait pu passer pour tout à fait banal si Louise et Pascal n’avaient eu encore tout frais en mémoire les évènements de la soirée passée. Comment imaginer qu’une secte aussi délirante que le Temple de Zaarm puisse avoir ses quartiers dans un lieu tellement ordinaire ?

- Il faudrait trouver un moyen de leur "emprunter" une des voitures qui sont dehors, chuchota Louise. Je ne me vois pas du tout partir à pied dans la nuit avec juste une petite robe de bonne soeur.

- Et moi donc ! soupira Pascal.

- Si on trouvait aussi à manger, ce serait bien.

Elle ouvrit une porte en bois massif, à l’opposé de celle d’où étaient sortis Yboulados et les membres de la secte : quatre nouvelles portes se devinaient de part et d’autre d’un couloir, une cinquième tout au bout. Louise choisit la première sur la droite : des toilettes ! Elle la referma et passa à la suivante où une penderie promettait d’être beaucoup plus intéressante.

Les deux fugitifs entreprirent de fouiller les poches des manteaux, blousons et anoraks qui étaient accrochés là. Au passage, ils se choisirent de quoi se protéger du froid en prévision de leur départ. Tous les vêtements devaient appartenir au fils de Cosmo-Chronos : ils étaient un peu trop larges pour Louise et un peu trop courts pour Pascal, mais ceux ci estimèrent que ce serait toujours mieux que rien.

- Ça fait drôle de voir des anoraks vides qui se baladent tous seuls ! s’amusa Louise.

- Tiens ! Dans la poche de celui-ci, j’ai trouvé des clés ! Et celle là, on dirait bien une clé de voiture, dit Pascal en montrant quelque chose que sa compagne ne voyait pas bien dans l’obscurité. Oui : je reconnais le logo sur le porte-clés… hé ! Pas mal !

- On les garde ! trancha Louise. On verra bien.

Ils réapparurent brièvement, pour disparaître presque aussitôt avec les clés et les anoraks.

Mis à part ce trousseau, ils ne trouvèrent pas grand-chose d’intéressant : un pulvérisateur nasal, quelques mouchoirs en papier, une petite poignée de pièces et de billets que Pascal fit passer dans sa propre poche (apparition - disparition) en dédommagement de leur captivité, et une boite de cachous. Louise ignorait que ce fut encore en vente et cette petite boite métallique jaune lui rappela son grand-père, bien des années plus tôt.

- On va essayer de trouver un garde-manger ou une cuisine : il doit bien y avoir quelque chose à grignoter, ici, quand même !

Ils progressèrent à pas feutrés dans le couloir. Le chien trottinait près d’eux, ses pattes faisant un petit cliquetis sur le sol carrelé.

- Chhht ! lui souffla Louise. Puis elle se souvint que Pascal et elle étaient toujours invisibles : même si quelqu’un venait, il ne verrait en principe que le chien mais ne se rendrait pas compte de leur présence.

La cuisine était au bout du couloir : une longue table en occupait tout le milieu. Louise et Pascal la contournèrent pour aller directement vers le frigo qu’ils avaient repéré à l’autre bout de la pièce.

- Je ne sais pas trop comment ça fait quand on mange en étant invisible, dit Pascal. Est-ce qu’on voit les aliments à travers l’estomac de celui qui a mangé ? Il vaudrait peut être mieux reprendre notre aspect habituel, et disparaître à nouveau quand nous aurons fini…

- Oui, c’est peut être mieux, dit Louise appuyant sur le disque central du médaillon.

Pascal saisit la poignée du réfrigérateur en rêvant aux délicieuses nourritures qu’ils allaient enfin pouvoir savourer. Louise eut l’idée de regarder sa montre à la lumière du frigo. Depuis leur sortie de la cave, elle n’en avait pas encore eu l’occasion.

Elle eut à peine le temps d’apercevoir les aiguilles qui indiquaient deux heures et demie lorsqu’une alarme retentit dans toute la bergerie. Pascal referma précipitamment la porte, mais la sirène continuait son raffut.

- Merde ! C’est quoi, ça ? Le frigo est sous alarme ?

- J’en sais rien, mais je crois qu’on a intérêt à décamper en vitesse !

- Donne moi ta main, vite !

Elle appuya sur le centre du médaillon et tous deux disparurent à nouveau.

La voix d’Yboulados retentit dans la cuisine et dans tous les alentours :

- Alerte à tous les fidèles ! Alerte à tous les fidèles ! Une flotte de cinq mille croiseurs de guerre intersidérale est en route vers la Terre, je répète : une flotte de cinq mille croiseurs en provenance de Pluton arrive sur nous. Tout le monde aux postes de combat ! Tout le monde aux postes de combat !

- Nom d’un chien ! (Oh, pardon, mon vieux !) Des hauts parleurs ! Il les réveille la nuit pour des exercices militaires à la noix et des histoires de plutoniens qui attaquent ! Ce mec est complètement allumé !

- Ça, on n’en doutait pas une seule seconde, répondit Louise, mais ça va sérieusement nous compliquer la tâche pour leur fausser compagnie ! Regarde dehors…

En effet, des projecteurs s’étaient allumés un peu partout autour des bâtiments. Louise et Pascal avaient beau se savoir invisibles, le moment semblait mal choisi pour faire démarrer une voiture : leur départ ne pourrait certainement pas passer inaperçu au milieu de cette agitation et il y avait de sérieux risques qu’ils soient poursuivis. S’il était possible de partir plus discrètement plus tard, ce serait largement mieux.

- Qu’est ce qu’on fait ? demanda Pascal. On attend qu’ils aient fini leur cirque ?

- Oui, on reste au chaud et on regarde : je ne pense pas qu’ils viendront préparer la tambouille pendant une attaque des petits hommes verts…

Par la fenêtre de la cuisine, ils pouvaient voir les occupants des chalets qui sortaient en toute hâte avec des armes. Celles-ci ressemblaient étrangement aux pistolets à eau que les enfants utilisent parfois sur les plages : mêmes formes, mêmes couleurs criardes et même allure de camelote achetée dans un quelconque bazar de plage. Louise sourit en se demandant si elle n’allait pas en voir des combattants arriver avec des épuisettes ! Elle aperçut Karine qui courait se cacher derrière une statue avec un genre de mitraillette, en plastique bleu et jaune munie d’une manivelle sur le côté ! Quand même, pensa-t-elle, cette fille est l’assistante d’un chercheur de haut niveau, elle n’est pas complètement idiote, enfin en principe… Comment peut-elle se laisser embarquer dans une telle mascarade ?

Les hauts parleurs qui retransmettaient la voix d’Yboulados devaient être un peu partout autour de la bergerie, puisque celui-ci envoyait des ordres aux combattants sans prendre part lui-même à la bataille. Il leur indiquait, de manière d’ailleurs assez approximative, dans quelle direction tirer, et les troupes obéissaient avec un enthousiasme tout à fait étonnant. Des bruits de détonations parvenaient aux combattants, sans doute aussi par les hauts parleurs, puisque Louise les entendait dans la cuisine. Quelques éclats lumineux multicolores, probablement commandées depuis le QG du gourou, ponctuaient la prétendue échauffourée.

A défaut de rimer à quelque chose, il fallait bien reconnaître que le spectacle de ce son et lumière du fond d’une vallée partiellement enneigée était assez joli à regarder !

Les déflagrations et les éclairs colorés continuèrent un moment sans que la voix d’Yboulados se fasse entendre. Lorsque celui-ci parla à nouveau, son timbre avait quelque chose de différent, moins métallique, plus naturel, comme si les paroles du gourou ne leur parvenaient plus à travers les hauts parleurs.

Toujours habillé en cosmonaute d’opérette, le fils de Cosmo-Chronos était entré dans la cuisine et avait allumé la lumière. Il tenait à la main un micro sans fil qui lui permettait de donner ses instructions à ses troupes sans être obligatoirement rivé à son poste de commandement. Il était sans doute venu se chercher un petit en cas… Les grands généraux ont besoin de prendre des forces pendant les batailles, c’est bien connu, pensa Louise.

Yboulados se dirigea effectivement vers le réfrigérateur, dont il sortit un bocal de pâté. Puis, se coupant une généreuse tranche de pain, il se confectionna un casse-croute, sans arrêter de diffuser à travers le micro sans fil ses ordres et ses commentaires sur la bataille. Louise et Pascal étaient totalement estomaqués par l’improbable spectacle de ce gros bonhomme en combinaison argentée qui dirigeait des troupes (armées de pistolets à eau) tout en bâfrant une tartine de pâté !

- Attention : deux cent cinquante mille succubes et incubes de Jupiter arrivent par l’ouest ! Feu à volonté ! Ne les laissez pas arriver jusqu’à nous ! Gloire à Cosmo-Chronos ! Pas de quartiers !

Le chien, attiré par l’odeur de la charcuterie, était venu près du gourou, espérant récolter quelques miettes. En tant peut-être qu’espion de Sirius, ou soupçonné tel, il ne récolta qu’un coup de pied qui le fit s’installer un peu plus loin, hors de portée des jambes d’Yboulados, mais toujours plein d’espoir.

Curieux, pensa Louise : il n’a pas appelé les gardes à la rescousse… mais c’eût sans doute été reconnaître qu’il n’était pas là où ses fidèles pensaient qu’il se trouvait. Ça en dit long sur la sincérité du personnage !

Louise aussi regardait la tartine avec convoitise, se disant que son compagnon devait sans doute en faire autant. Elle évalua les chances qu’ils auraient de neutraliser le gourou, mais estima que le jeu n’en valait pas la chandelle et qu’il était plus sage d’attendre qu’il ait quitté la pièce. Il ne serait sans doute pas judicieux de l’assommer ou même de le bâillonner, ses fidèles risquant de s’étonner de ne plus recevoir aucun ordre de leur chef. Pascal pourrait peut-être imiter sa voix et ses intonations pour leur annoncer que la bataille était gagnée, et en profiter pour envoyer tout le monde au lit… Elle rejeta cette possibilité, ne sachant pas comment arrêter les déflagrations et les éclairs : ce serait pour le moins étonnant d’annoncer que le combat était terminé alors que le vacarme continuait !

Au bout d’une vingtaine de minutes, Yboulados se leva pesamment et sortit de la cuisine. Louise estima que la fin de la bataille ne devait plus être très loin.

Effectivement, les détonations et les éclairs commencèrent bientôt à s’espacer. Yboulados décréta que la bataille était un succès total et que les armées ennemies avaient été mises en fuite. Une cérémonie d’action de grâce allait pouvoir se tenir immédiatement dans l’oratoire.

- C’est le moment, dit Louise. On sort, on repère la voiture qui correspond à la clé que tu as trouvée et on dégage !

- On ne mange pas ? demanda Pascal

- Plus tard !

La porte-fenêtre de la cuisine était fermée à clé. Pascal réussit à l’ouvrir d’un coup de pied et ils se dirigèrent vers le terre-plein servant de parking, à une cinquantaine de mètres de la bergerie. Les fidèles qui avaient pris part à la bataille convergeaient vers le bâtiment. Aucun d’entre eux ne semblait regarder dans la direction des deux fuyards.

Il n’y avait qu’un seul véhicule correspondant à la marque mentionnée sur le porte clés qu’ils avaient emporté : un gros 4x4 allemand à l’allure de char d’assaut.

- Ça fera l’affaire, déclara Louise. J’espère qu’il y a de l’essence dedans.

- Une seconde : je te cherche la clé… Ah, ça y est, je l’ai. Tiens, je te la pose dans la main.

- Pas facile de mettre une clé invisible dans une serrure… Voilà : elle y est ! Ouais ! C’est la bonne : ça ouvre, soupira Louise. Merde : ça ouvre, mais ça clignote, aussi !

- J’espère que personne ne regarde par ici, dit Pascal en claquant sa portière après s’être installé du côté passager.

Louise actionna le démarreur dans un bruit qui lui sembla assourdissant, mais le moteur ne voulut pas démarrer. Une seconde tentative ne fut pas plus concluante.

- Et merde ! Ne me dis pas qu’on a choisi la seule voiture en carafe de tout leur foutu parking !

Louise regarda dans le rétro : il lui semblait qu’il y avait de l’agitation du côté de la bergerie : ils avaient été repérés ! Ça devenait urgent de dégager d’ici !

- Démarre, nom d’un chien, démarre ! siffla-t-elle à l’adresse de la voiture, en tournant la clé pour la troisième fois sans plus de succès.

- Attends : Il n’y a pas une histoire de préchauffage avec les diesels ? Si ça se trouve, c’est quelque chose d’aussi idiot que ça.

- Oui, tu as raison ! Bon sang que je suis bête. C’est ce truc là : le voyant avec une espèce de petite spirale jaune. Il faut attendre qu’il s’éteigne.

Il ne fallut que quelques secondes, mais elles lui parurent interminables. Enfin, le voyant s’éteignit et Louise tourna la clé. Le moteur démarra cette fois du premier coup. Sans attendre, elle enclencha la première et roula en direction du pont. Il était temps : plusieurs silhouettes se rapprochaient en courant. Elle alluma les phares : de toute façon, ils étaient repérés, maintenant. Alors autant y voir quelque chose !

De l’autre côté du pont, elle sembla hésiter un instant, contourna les véhicules qui étaient garés là et vint, en marche arrière, percuter le flanc d’une voiture japonaise qu’elle poussa jusqu’à l’extrémité de la passerelle, interdisant ainsi le passage.

- Bon, ça devrait les retarder un moment ! dit-elle en enfonçant l’accélérateur.

- Eh bien cette fois, mon vieux Milou, nous sommes partis ! déclara Pascal.

- J’aimerais mieux que tu m’appelles autrement, répliqua Louise un peu froissée, si ça ne te dérange pas.

- Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ? Ah, non : j’étais en train de parler au chien.

- Au chien ?

- Ben oui : il est sous mes pieds…

... à suivre

1 commentaire:

Marjo a dit…

Ah j'avais peur qu'ils aient pas pris le gentil toutou ... oufffffff à quand la suite ???