Un petit feuilleton pour égayer les lundis...

La suite...
Le Chapitre 25.
On retrouve notre camarade Yboulados, qu'on découvre sous un nouveau jour. C'est nettement moins folklorique mais guère plus plaisant.
Et toujours, si vous avez des idées pour la suite de l'histoire, je suis preneur.
Si vous avez raté un chapitre, pas de panique : vous pourrez le retrouver dans les archives du blog (tout en bas, en cliquant sur "messages plus anciens", ou ici : le 1, le 2, le 3, les 4 et 5 , le 6, le 7 et le 8, le 9, le 10, le 11 et le 12, le 13, le 14 ...). Vous pouvez aussi trouver la liste sur le côté de la page.
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Bonne lecture...

lundi 17 janvier 2011

Chapitre 3

Avec l'arrivée du curé, des effluves de chou bouilli, d’ail et de mouton grillé s’échappèrent de la maison. Il venait probablement de finir de manger.

- Hé ! Bonjour Louise, Quel plaisir de te voir ! Qu’est ce qui me vaut l’honneur de ta visite ?

- J’ai trouvé deux ou trois bricoles dans les affaires de mon oncle. J’ai pensé qu’elles pourraient vous intéresser…

- C’est bien gentil à toi ! Ce sont… heu, ces choses là ? Attends, je vais t'aider, dit-il en lui prenant les livres et la soutane. Tu prendras bien un petit café avec moi ?

- Je n'ai pas beaucoup de temps, mais après tout, oui, pourquoi pas, répondit Louise qui sautait sur l'occasion de pouvoir engager la conversation avec le vieux curé.

Ils échangèrent quelques banalités sur les années qui passent si vite, sur la météo déplorable, puis, l'odeur du café ayant avantageusement remplacé celle du chou, la conversation prit un tour plus personnel : le curé lui parla de son oncle Germain, de sa grand-mère qui avait heureusement la tante Yvonne à ses côtés. Louise profita de cet instant pour lui montrer la photo qu'elle avait trouvée.

- J'ai découvert ça dans les affaires de mon oncle, dit-elle en lui montrant. Je me disais que si c'était des amis à lui, il serait peut être… judicieux de les prévenir de son décès. Vous les connaissez ?

Le curé prit l'image, se mordit les lèvres et sembla réfléchir un moment puis secoua la tête en signe de dénégation.

- Non, je ne les connais pas, dit-il plutôt sèchement, je suis désolé. Et il lui rendit la photo.

- Ah bon ? dit Louise, embêtée. Je pensais que, comme vous connaissiez bien mon oncle… C'est étrange, se hasarda-t-elle, mais regardez là ! Ce médaillon que la jeune fille porte, j’ai l’impression qu’il me dit quelque chose. Cela ne vous rappelle-t-il vraiment rien ?

Le père Bourret ne prit même pas la peine de regarder à nouveau le cliché, il repoussa la main qu'elle lui tendait.

- Non, rien du tout, je te l'ai dit, je ne connais pas ces personnes, ni quoi que ce soit de cette vieille photo. Maintenant, excuse-moi : je ne voudrais pas te paraître impoli, mais je dois travailler, dit-il rapidement.

Sur ces mots, il se leva, montrant clairement que l'entretien était terminé, et la raccompagna jusqu’à l’entrée du presbytère.

Louise fut un peu décontenancée par ce revirement si soudain d'attitude : on n’invite pas les gens à prendre un café pour les congédier précipitamment au bout de quelques minutes ! Et d’ailleurs, quel genre de travail si urgent un curé de campagne pouvait-il avoir ?

Pourtant, lorsqu'ils arrivèrent à la porte, le Père Bourret affichait à nouveau une mine souriante comme si de rien n'était.

- Bon, hé bien voilà ! Merci encore pour les livres et la soutane ! Rentre bien et fais bien attention à toi ! dit le gros ecclésiastique.

Louise remonta dans sa voiture, un peu abasourdie par cette discussion et l'attitude étrange du vieux curé. Elle était persuadée qu'il lui cachait quelque chose.

Elle mit le moteur en route, récupéra son oreillette sur le tableau de bord en bois verni et chercha rapidement un numéro de téléphone dans son répertoire. Elle voulait pouvoir parler avant que les montagnes ne coupent la communication téléphonique. Le téléphone sonna à l'autre bout…une fois…deux fois…trois fois…

- Allez, bon sang, décroche !! s'énerva-t-elle.

Mais la messagerie se déclencha :

- Bonjour, vous êtes bien sur le portable de Pascal, je ne suis pas joignable pour l'inst…

Elle raccrocha. Pas envie de parler à un répondeur téléphonique ! De toute façon, elle arrivait dans une zone où il n’y avait pratiquement pas de réseau.

Elle aurait voulu dès maintenant faire part de toutes ses interrogations à Pascal, et peut être avoir des débuts de réponses. Pourquoi le curé lui avait-il menti ? Pourquoi son oncle cachait-il cet objet ? Qui étaient les personnes de la photo ?

Elle sentait le contact tiède du pendentif sur sa poitrine. Elle ne savait pourquoi, mais il avait quelque chose de rassurant.

Elle se concentra sur la conduite, la route risquait d’être glissante par endroits, et même si la Mini avait une excellente tenue de route, elle savait qu’il valait mieux être prudente. Les gens du coin ne manquaient pas d’anecdotes à propos d’automobilistes ayant quitté la route en hiver : si certains avaient pu rejoindre un village ou attirer l’attention d’un autre conducteur, quelques uns n’avaient pas eu cette chance et n’avaient été retrouvés, congelés, que plusieurs semaines plus tard. Les moins distingués avaient même commencé à dégeler, ce qui n’arrangeait pas leur aspect.

Ce n’était pas une perspective très tentante.

Le paysage défilait, magnifique. Les arbres enneigés brillant sous les rayons du soleil lui offraient un véritable décor de carte postale. Mais Louise n'avait pas la tête à admirer les miracles de la nature : elle était concentrée en priorité sur sa conduite, même si en toile de fond c'était toujours les mêmes questions qui venaient la hanter. À son arrivée sur Montpellier, le ciel se parait de couleurs plus sombres, annonçant la tombée de la nuit. Louise était lasse, la tension du voyage l'avait exténuée. Elle gara rapidement sa voiture au parking de la résidence et monta chez elle. Pour le courrier, elle verrait ça demain matin !

Elle habitait dans une petite copropriété agréable, bien entretenue, ses voisins étaient gentils et discrets, que demander de plus ?

Elle engagea la clé dans la serrure et tourna.

- Oh merde ! … chuchota-t-elle.

La porte n’était pas verrouillée !

Elle ouvrit prudemment le battant, se demandant si elle n'allait pas retrouver son appartement dévasté par des cambrioleurs.

Elle ne voyait pour l’instant que la commode de l'entrée, mais celle-ci ne semblait pas avoir été ouverte.

Elle avança encore un peu, le salon paraissait net, comme elle l'avait laissé six jours auparavant. Tout était là, les cadres droits, les meubles, la chaîne stéréo, la télé. Louise se détendit un peu, après tout, ce n'était pas dans ses habitudes, mais elle avait peut-être tout simplement oublié de fermer à clef !

Dans le doute, elle se saisit tout de même du premier objet contondant qui lui tomba sous la main : un parapluie de golf qu’elle avait laissé dans l’entrée. Pas terrible, mais ce serait toujours mieux que rien en cas de besoin.

Elle passa franchement la porte et vit, dans le contre jour de la cuisine, une silhouette armée d’un rouleau à pâtisserie qui se précipitait sur elle en criant :

- Qui est là ?

Elle poussa un hurlement, et ouvrit involontairement le parapluie.

- Pascal ? C’est toi ? demanda-t-elle étonnée, en baissant le parapluie. T’es complètement malade ! Tu m'as fait une de ces peurs !

- C’est toi, Louise ? Toi aussi, tu m’as fait peur. Je ne t'avais pas entendue arriver : j’ai cru que c’était un rôdeur, ou je ne sais quoi. Désolé !

- Mais ?...Qu’est ce que tu fais ici ? demanda la jeune fille.

- Ben j'ai eu ton message ! expliqua-t-il, enfin ton appel en absence, plutôt. Alors je suis venu. J'ai pris la clé que tu m'avais passée pour venir arroser tes plantes. Et j'ai décidé de t'attendre.

- Mais pourquoi ne m'as-tu pas rappelée ? demanda Louise en accrochant son gros manteau et son écharpe à la patère de l'entrée.

- J'ai essayé ! Plusieurs fois, même ! Mais je n'avais que ta messagerie.

- Je devais être dans les montagnes : il n’y a pas de réseau, là haut. Mais c'est bizarre, ça aurait dû me signaler tes appels plus tard : le réseau est bon après Alès.

Elle sortit son portable de sa poche et l’examina.

- Oh zut : la batterie ! Elle est naze ! dit-elle.

- Normal : ça consomme toujours beaucoup plus quand le réseau est faible.

Sans attendre davantage, elle brancha le chargeur et appela la messagerie.

- Alors ? Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Pascal, raconte !

Mais Louise ne répondit pas tout de suite, elle souriait en écoutant son téléphone. Pascal lui avait laissé au moins une demi-douzaine de messages, tous plus angoissés les uns que les autres. Elle était très touchée qu'il se fût inquiété ainsi.

Elle finit tout de même par poser le combiné et l'embrassa sur la joue.

- T'es un amour ! lui déclara-t-elle sans détour et je suis sûre que la femme qui partagera ta vie sera la plus heureuse du monde.

Pascal rougit un peu du compliment, mais ne dit rien.

- Tiens, j'ai ça pour toi, lui dit-elle tendant le casque colonial.

- Oh ! Merci ! dit-il en scrutant l'objet sous tous ces côtés. Mais où as-tu trouvé ça ? s'étonna-t-il. C'est un vrai, pas un truc pour touristes hein ? On dirait celui de Tintin quand il est au Congo…

Amusée par cette remarque qu’elle aurait pu prédire, Louise acquiesça de la tête.

- Assieds-toi, j'ai plein de choses à te raconter.

L'air intéressé, Pascal prit une chaise.

Louise lui raconta tout depuis le début : les dernières volontés de son oncle, l'incinération, la préparation de la purée de bananes, le goûter géant au rythme de la salsa, la rapide exploration de la malle, les affaires de son oncle, le casque qu'elle venait de lui donner.

Et puis aussi le petit globe qui lui avait tant plu et qu’elle considérait déjà, avec ce qu’il avait contenu, comme son héritage.

Elle le sortit de ses bagages et le lui montra, ainsi que le plan et la photo. Pascal saisit les objets un à un, les regarda avec intérêt. Il semblait passionné par cette histoire et par ces reliques, témoignages du passé et de la vie hors du commun qu’avait eu l’oncle Germain.

Puis, elle en arriva bien sûr au pendentif : le clou de son récit et le point culminant de ses interrogations.

Elle le détacha de son cou et lui tendit le bijou. Pascal le prit dans ses mains et l'observa longuement, semblant réfléchir.

- C'est un très bel objet en tout cas : très sobre, et en même temps il a l’air d’avoir été façonné avec le plus grand soin. Les caractères sont d’une netteté étonnante, pour leur taille. Tu crois qu'il a de la valeur ? On dirait de l'argent, non ?

- Je ne pense pas, dit Louise, l'argent aurait noirci. Là on croirait qu'il est neuf ! J'ai pensé à de l'or gris, mais, ça ne colle pas vraiment non plus, il serait plus patiné que ça. Quant à de l’inox, ça m’étonnerait franchement : les bijoux en acier ne sont en général pas si élaborés.

- On pourrait demander à un bijoutier, proposa Pascal, il saura sûrement te dire si c’est quelque chose de précieux ou pas !

- Non, j'ai pas envie… j'ai pas trop confiance en eux, il va me répondre que ça ne vaut rien et essayer de me vendre un des siens. De toute façon il n'y a pas de poinçon !

Louise fit la grimace.

- Et puis il n'y a pas que ça qui me gêne. L'attitude du Père Bourret, le curé de Saint Gouzy, m'a vraiment troublée : ce brusque revirement de comportement lorsque je lui ai montré la photo, c'est presque un aveu qu’il sait quelque chose qu’il ne veut pas me dire ! Et puis pourquoi enfermer ce médaillon dans un globe, c'est bien une cachette, non ?

- Peut-être pour sa valeur tout simplement ! proposa son ami.

- Et le message sur le papier ? Tu ne vas pas me dire que c’est à cause de son prix, quand même ! Et puis qui est cette fille qui le porte sur la photo ? Il y a bien une relation entre cette fille, le pendentif et mon oncle ! Je suis presque sûre que cet hypocrite de curé m’a caché quelque chose !

Louise se leva, et tout en faisant les cent pas autour de la table du salon, elle exposa sa théorie à son ami :

- Je suis certaine, enfin presque certaine, que mon oncle et cette fille ont eu une relation amoureuse. Il n’a pas toujours été curé, quand même. Et d’ailleurs, j’ai cru comprendre que même quand il est devenu prêtre, ça ne l’empêchait pas de vivre une vie heu… normale. Mais ça, son collègue curé n’avait pas envie d’aller le raconter.

La solution prenait forme dans son esprit, Louise continua de plus belle.

- Puis, ils ont rompu, peut être à cause des vœux de mon oncle envers l'église, ou alors plutôt à cause du troisième personnage sur la photo, ou alors les parents de la fille… enfin je ne sais pas, mais il devait y avoir une bonne raison. Et comme il voulait garder quelque chose d'elle, elle lui a donné le pendentif. Lui, il l'a caché dans le globe pour que personne ne le trouve. C’est pour ça qu’il y a ce mot bizarre derrière la photo : "cuneocardium"… c’est parce que ça lui transperce le cœur de la quitter.

- Et le message ? demanda Pascal.

- Le message, Eh bien c'est les "Temps premiers"de leurs amours, bien sûr, et "Her.MMM" c'est son nom ! "Her" comme Hermine… heu enfin, un prénom de fille de son époque quoi ! dit-elle triomphante. Et les trois M, c’est quelque chose comme « Je t’aime majuscule ».

- Mmouais… admit Pascal, quand même un peu dubitatif. Plutôt comme Herman, qui doit vouloir dire Germain, non ?

- Mais oui ! Que je suis bête ! C’est un cadeau qu’elle lui a fait. "Her" doit vouloir dire Germain. Elle est sans doute espagnole, ou sud américaine, plutôt. Donc c’est elle qui aurait écrit ça pour lui dire à quel point elle l’aimait. Et "Bruno Cart", c’est peut être le troisième personnage, le barbu.

Louise était satisfaite : cette hypothèse la soulageait. Plus de questions qui risquaient de venaient la hanter : le médaillon était tout simplement un souvenir d'une belle histoire d'amour et elle était, de ce fait, encore plus contente de le porter. Elle le savait, elle était sûre maintenant ! Mais elle ne dirait rien à Mamie-Lu ni à tante Yvonne, ce n'était pas la peine : si Germain voulait garder le secret, elle ne le trahirait pas !

- Ouais, possible concéda Pascal toujours aussi peu convaincu. Tu as vu ? Ça tourne ! demanda-t-il.

Louise fit signe que oui.

Pascal faisait pivoter les deux cercles.

- Toutes ces graduations, ces traits, ça ressemble autant à un instrument de mesure qu'à un bijou ! Et puis ces signes ! Ça ressemble à des lettres, quelque chose d’un alphabet ancien, mais ça ne me rappelle rien que je connaisse. Il est vraiment bizarre ce truc !

Epuisée, Louise n'écoutait que d'une oreille les remarques de son ami.

- J’ai un sacré creux, dit-elle, ça te dit de manger avec moi ?

Pascal releva la tête, lui non plus n’écoutait pas vraiment, plongé dans ses interrogations.

- Hein ? Ah… oui, pourquoi pas ? Tu veux de l'aide ? avait-il demandé tout en se dirigeant vers la cuisine.

Louise lui sourit, trahissant une amitié un peu ambiguë. Pascal ne sembla pas s'en apercevoir.

Il la regarda en souriant à son tour.

- Tu as l'air complètement crevée, assieds-toi un moment, je m'occupe de tout !

Pascal fouilla rapidement dans les réserves et proposa :

- Endives au jambon et pâtes ! Ça te dit ?

- D’accord, mais sans les endives. Ou alors en salade.

- No problemo ! Des pâtes au jambon et une salade d’endives, ça marche !

Louise s'allongea sur le canapé. Ses jambes étaient en coton. Trop d'émotions dans la même journée pensa-t-elle.

Elle regardait machinalement la photo de son oncle posée sur la table. Il lui souriait et lui fit signe de la main. Puis elle le vit bouger, il enlaça la jeune fille à ses côtés et l'embrassa. Son copain les regardait faire, un sourire bienveillant aux lèvres. Lorsque d'un seul coup son visage changea d'expression. Il semblait alarmé et se mit à crier :

- Attention, ils arrivent ! Germain, Aliette, dépêchez-vous, fuyez, vite ! Je les retiens.

Germain et la fille, terrorisés s'étaient mis à courir comme des fous dans la jungle, se tenant toujours par la main.

- Louise ! Louise ! criait son oncle en se retournant vers elle.

Louise faisait des efforts désespérés pour lui répondre, elle criait, mais il ne paraissait pas l'entendre. Elle essayait de courir derrière lui, mais ses jambes étaient en plomb et bougeaient au ralenti. Ils s'éloignaient de plus en plus d'elle.

- Louise ! entendit-elle encore une fois, mais avec la voix de Pascal.

Louise ouvrit les yeux : elle était chez elle, en sueur, son coeur battait à tout rompre, comme si elle venait de faire une course effrénée. Pascal se tenait près d’elle et lui caressait le visage.

- Je suis là, Louisette, ne t'inquiète pas, ce n'était qu'un rêve.

Tiens ! Lui aussi l'appelait Louisette ! C'était bien la première fois !

Louise lui sourit et se blottit contre lui. Elle sentait son doux parfum et le contact chaleureux de sa peau la rassurait.

- Ça fait longtemps que je dors ? demanda-t-elle ?


à suivre...

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