Un petit feuilleton pour égayer les lundis...

La suite...
Le Chapitre 25.
On retrouve notre camarade Yboulados, qu'on découvre sous un nouveau jour. C'est nettement moins folklorique mais guère plus plaisant.
Et toujours, si vous avez des idées pour la suite de l'histoire, je suis preneur.
Si vous avez raté un chapitre, pas de panique : vous pourrez le retrouver dans les archives du blog (tout en bas, en cliquant sur "messages plus anciens", ou ici : le 1, le 2, le 3, les 4 et 5 , le 6, le 7 et le 8, le 9, le 10, le 11 et le 12, le 13, le 14 ...). Vous pouvez aussi trouver la liste sur le côté de la page.
Je compte sur vos remarques et vos commentaires (constructifs) que vous ne manquerez pas de m'envoyer sur mon mail : jeanlouis.jabale@gmail.com ou sur la boite à messages de ce blog : il est configuré pour que tout un chacun puisse m'y déposer ce qu'il souhaite.
Bonne lecture...

lundi 28 mars 2011

Chapitres 15 et 16

- Mais c’était quoi, ce zozo ? Il est complètement givré ! s’exclama Pascal lorsqu’il fut seul avec Louise.

- Oui, je suis d’accord avec toi : il a un sérieux grain, mais pour le moment, le plus urgent me semble être de trouver un moyen de sortir d’ici. Les malades de son espèce sont capables d’à peu près n’importe quoi. En plus, j’ai vraiment faim, maintenant : je n’ai rien avalé depuis le petit dèj !

- J’ai mon portable : ils ne nous ont même pas fouillés ! dit-il en sortant l’appareil. Tu te rends compte ? Quelle bande de branquignoles ! Je vais appeler Police Secours ou un numéro dans ce genre. Je n’ai aucune idée de l’endroit où nous sommes, mais ça devrait leur être facile de localiser l’appel.

Il composa le 17 sur son téléphone, mais n’obtint aucune tonalité. A la place, le cadran indiquait "Couverture réseau insuffisante".

- Et merde ! Ça ne passe pas !

- Tu penses bien ! Ils le savaient. C’est pour ça qu’ils n’ont même pas cherché à savoir si nous avions nos téléphones.

- Peut être pas si branques que ça, après tout…

- Sans doute pas. Et même probablement dangereux.

- Il y a quand même une chose que je ne comprends pas, reprit Pascal après un silence, c’est comment des adultes peuvent croire à toutes les salades de leur Cosmo-machin. Ça ne tient pas debout, ses histoires. C’est du délire total !

- C’est bien pareil avec toutes les sectes. Et ce n’est même pas la peine de se dire que leurs victimes sont toutes des débiles, c’est même souvent plutôt le contraire. Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’ils recrutent parmi les paumés…

Malgré l’obscurité, Pascal entreprit d’explorer à tâtons leur cellule.

- Sers toi de ton téléphone, lui conseilla Louise, au moins, qu’il serve à nous donner un peu de lumière, à défaut de nous permettre de passer des appels.

Ils étaient dans une espèce de cave d’environ deux mètres de côté, ne disposant d’aucune autre ouverture que la porte, fermée d’une grille cadenassée, par laquelle ils avaient été poussés à l’intérieur. L’écran du téléphone éclairait faiblement pendant une demi-minute avant de passer en mode veille. Il fallait alors appuyer une nouvelle fois sur la touche Select pour trente nouvelles secondes de lumière. Pascal eut besoin de plusieurs demi minutes pour explorer les lieux.

Les murs semblaient avoir été creusés dans la roche, tandis que ce qui servait de plafond était un assemblage légèrement voûté de briques, tachées d’humidité. Pascal examina le cadenas et la chaîne qui retenaient la grille, tira dessus pour en éprouver la solidité, comme le font sans doute tous les prisonniers novices en découvrant leur lieu de détention, et conclut que ce n’était pas en tirant sur la chaîne qu’ils auraient une chance de sortir de là.

- Pascal, intervint Louise en sortant le pendentif de sous sa robe grise, il faut que je te montre un truc. Eclaire-moi.

- Quoi ? Le médaillon ? Ben oui, je savais que tu l’avais, et je me demande s’il n’aurait pas mieux valu leur donner. Ça nous aurait évité d’en arriver là…

- Eclaire moi, je te dis ! Tu me vois, là ?

- Bien sûr que je te vois. Tant qu’il y a de la batterie dans mon portable, je peux te voir…

- Bon, tu me vois bien ? demanda-t-elle, tenant le médaillon à la main. Je suis là, devant toi, d’accord ?

- Oui, mais je ne comprends pas où tu veux en venir.

L’écran du téléphone passa en veille et s’éteignit. Louise en profita pour appuyer sur le disque central avant que Pascal n’ait réactivé le clavier.

- Et maintenant ? Tu me vois ? demanda-t-elle lorsque la lumière fut revenue.

- Ben… tu es où ? demanda-t-il en la cherchant des yeux tout autour de lui.

- Ici : devant toi ! répondit-elle en lui posant un petit baiser sur le front.

- Mais c’est complètement fou, ce truc là ! Tu es devenue… invisible ? dit-il en lui posant la main sur l’épaule pour s’assurer de sa présence. Je n’arrive pas à le croire ! Comment tu as fait pour…

- C’est ça que je voulais te montrer : ce médaillon a le pouvoir de rendre invisible. C’est comme ça que j’ai "emprunté" les robes de bonnes sœurs ce matin.

- C’est extraordinaire ! Mais tu es sûre que ce n’est pas dangereux ? De disparaître comme ça, je veux dire…

- Je n’ai pas l’impression. Et puis je peux redevenir visible quand je veux.

Joignant le geste à la parole, elle appuya une nouvelle fois sur le disque central pour réapparaître. Puis elle lui raconta comment elle avait découvert les étranges propriétés du bijou, et ajouta que comme cette découverte coïncidait avec l’arrivée de Karine, elle avait choisi de ne rien en dire, à cette dernière, d’abord, mais même pas à lui. Pascal dût convenir qu’elle avait sans doute eu raison d’agir ainsi.

- Mais bon, reprit-il, ça te permet de devenir invisible, mais pas de passer à travers les murs… et c’est bien de ça qu’on aurait le plus besoin en ce moment.

- Je crois que ça peut quand même nous sortir d’ici, dit Louise d’un air mystérieux, mais à condition de s’y prendre comme il faut ! J’ai quand même besoin de vérifier quelque chose auparavant. Donne-moi la main.

Pascal prit la main de Louise dans la sienne et elle appuya sur le disque central. Ça marchait : ils avaient disparu tous les deux !

- Bon, maintenant, il va falloir trouver un moyen de faire descendre les deux gardiens jusqu’ici, et de leur faire ouvrir la porte…

- Heu… on reste invisibles ?

- Non, peut être pas pour le moment, répondit-elle en appuyant à nouveau.

- C’est vraiment génial, ce truc ! C’est un peu comme un interrupteur, au fond… Est-ce que tu as une idée de comment ça marche ?

- Pour l’instant, je constate que ça marche, et ça me suffit ! Pour le principe de fonctionnement, on verra plus tard.

- Tu as une idée pour attirer les deux gardes ici ? demanda Pascal.

- Une, oui… pas trente-six : crier ! On peut même commencer tout de suite si tu veux.

Ils s’époumonèrent pendant une dizaine de minutes : ils appelaient, prétendaient être malades, chantaient, imitaient des cris d’animaux… Ils avaient mal à la gorge et étaient sur le point de se décourager lorsque la lumière de l’escalier s’alluma. Quelqu’un venait ! Louise saisit la main de Pascal et pressa le disque central du médaillon.

Le grand maigre (Michard ou Lagarde?) arriva devant la porte grillagée et demanda d’un ton rude :

- Qu’est ce que vous avez, à cri… Ben ! Où ils sont passés ? Ça alors ! Mitch, viens voir ça : ils se sont échappés !

- Tu délires, mon pauvre vieux ! Comment veux-tu qu’ils soient sortis de là ? C’est fermé ! Et puis ils y étaient y’a pas trois secondes…

- J’te jure : viens voir. Ils n’y sont plus.

- Tu as mal regardé, dit-il en s’approchant de la porte et en balayant la cellule avec le faisceau d’une lampe torche qu’il avait apportée. Oh, pétard ! Mais c’est que t’as raison ! Ben merde alors, comment ils ont fait ?

- Ouais, ben on a intérêt à les retrouver en vitesse, sinon on va se faire engueuler !

Il poussa la porte en bois plein qui était en face de la cellule de Louise et Pascal. Elle n’était pas verrouillée et pivotait librement sur ses gonds. Michard entra prudemment avec sa torche, ressortit aussitôt et déclara :

- Sont pas là !

- Et au bout du couloir ?

Ils explorèrent la salle située à l’extrémité du couloir, arrivant à la même conclusion : les prisonniers s’étaient échappés.

- Ben merde, alors !

- On n’a qu’à dire qu’ils ont transmuté, sinon on va en prendre pour notre grade…

- Ouais, pas mal, le coup de la transmutation. Le patron va gober ça come une lettre à la poste. On lui racontera qu’ils sont devenus des souris ou un truc dans ce genre…

Et ils remontèrent l’escalier, puis éteignirent la lumière avant de fermer la porte en haut des marches.

- Quelle poisse ! s’exclama Pascal. C’est raté pour ce coup ci !

- On recommence ? On essaie de crier à nouveau ?

- Trop mal à la gorge : on va chercher autre chose, dit Pascal en s’asseyant contre le mur.

Louise vint s’asseoir à ses côtés et se blottit contre lui. Il l’enlaça. Elle se sentit presque rassurée. La fatigue accumulée au cours de la journée lui tomba sur les épaules, le froid, le manque de nourriture, aussi. Elle se mit à somnoler. Un moine vêtu de blanc était entré dans la cave où ils étaient enfermés. Il leur dit qu’il s’appelait Bruno Cartusianus, qu’il les avait mis en garde contre les dangers qu’ils auraient à affronter, mais qu’il leur faudrait aider le chien.

Louise voulut lui demander de quel chien il parlait, lorsqu’elle entendit l’animal en question qui gémissait de peur. Ouvrant les yeux, elle réalisa que la lumière venait de s’allumer dans le couloir.

Du coup, elle se réveilla tout à fait. Ce n’était plus un rêve : un chien était vraiment en train de gémir en haut de l’escalier, et quelqu’un, probablement Michard, essayait de l’obliger à descendre les marches.

- Pascal, vite ! Réveille toi : quelqu’un arrive !

Sans attendre sa réponse, elle lui prit la main et pressa le disque central du médaillon. Il était temps : Michard arrivait en traînant un petit chien, un genre de fox terrier, par le collier.

- Quoi ? demanda un Pascal invisible, dont la voix fut heureusement couverte par les jappements terrorisés du chien.

- Chhht ! Debout : on sort maintenant ! murmura-t-elle à son oreille.

- Maître Yboulados a dit de le mettre dans la cellule des espions, on le zigouillera demain matin ! cria le voix de Lagarde du haut des marches.

- Ben viens m’aider : je ne peux pas tenir le clébard et ouvrir le cadenas en même temps !

- Dis donc, t’es pas du genre dégourdi, toi !

- Oh ! Ça va ! Tiens, prends le collier.

- Ça paraît un peu gonflé, quand même, ton histoire des deux espions qui ont transmuté dans le corps du cabot ? Enfin il a gobé le truc…

- Bof, tu sais, moi… dit Michard en ouvrant la grille. Si c’est ce que Maître Yboulados a dit de faire…

- Mais il ne devrait pas y avoir deux chiens ?

- On n’en a qu’un. Où veux-tu qu’on en pêche un deuxième ?

Profitant de leur invisibilité, Louise et Pascal se glissèrent rapidement hors de la cellule. Le chien les avait sentis et faisait mine de vouloir les suivre.

- Vas-y : referme. Il est dedans.

Les deux hommes de main durent faire face à un nouveau problème une fois que la grille fut refermée : la tête du chien, ainsi que le reste de son corps, d’ailleurs, eteit suffisamment petite pour lui permettre de passer facilement entre les barreaux. Ils rouvrirent pour le remettre à l’intérieur, mais sans plus de succès que la première fois.

- Tant pis : on n’a qu’à le laisser dans l’escalier.

- Mais ça ferme pas à clé, là haut !

- Et alors ? Il ne va quand même pas soulever une targette comme ça !

Michard et Lagarde quittèrent l’escalier de la cave en fermant soigneusement la porte derrière eux. Louise et Pascal rejoignirent le chien qui grattait à la porte en geignant lamentablement.

- Chhht ! Tais-toi ! souffla Louise au chien.

Il sembla obéir un instant, mais se remit rapidement à gratter et à geindre.

- Tais-toi : je n’arrive pas à entendre !

Pascal gratouilla la tête du chien, qui resta silencieux pendant presque une demi-minute.

L’oreille collée à la porte, Louise cherchait à discerner un quelconque signe de présence de l’autre côté.

Rassurée par le silence, elle tourna doucement la poignée et entrebâilla la porte.

Tous trois sortirent sans un bruit.

(Chapitre 16)

La salle dans laquelle le grand maître de la secte leur avait fait son numéro quelques heures plus tôt était maintenant plongée dans l’obscurité. Seul un rayon de lune passant par les fenêtres apportait une vague lueur, suffisante toutefois pour se déplacer sans heurter les rares meubles que comptait la pièce. Les dernières braises rougeoyaient encore dans la cheminée, et Louise sentit avec plaisir l’odeur caractéristique du feu de bois dans le vaste salon.

Ce dernier aurait pu passer pour tout à fait banal si Louise et Pascal n’avaient eu encore tout frais en mémoire les évènements de la soirée passée. Comment imaginer qu’une secte aussi délirante que le Temple de Zaarm puisse avoir ses quartiers dans un lieu tellement ordinaire ?

- Il faudrait trouver un moyen de leur "emprunter" une des voitures qui sont dehors, chuchota Louise. Je ne me vois pas du tout partir à pied dans la nuit avec juste une petite robe de bonne soeur.

- Et moi donc ! soupira Pascal.

- Si on trouvait aussi à manger, ce serait bien.

Elle ouvrit une porte en bois massif, à l’opposé de celle d’où étaient sortis Yboulados et les membres de la secte : quatre nouvelles portes se devinaient de part et d’autre d’un couloir, une cinquième tout au bout. Louise choisit la première sur la droite : des toilettes ! Elle la referma et passa à la suivante où une penderie promettait d’être beaucoup plus intéressante.

Les deux fugitifs entreprirent de fouiller les poches des manteaux, blousons et anoraks qui étaient accrochés là. Au passage, ils se choisirent de quoi se protéger du froid en prévision de leur départ. Tous les vêtements devaient appartenir au fils de Cosmo-Chronos : ils étaient un peu trop larges pour Louise et un peu trop courts pour Pascal, mais ceux ci estimèrent que ce serait toujours mieux que rien.

- Ça fait drôle de voir des anoraks vides qui se baladent tous seuls ! s’amusa Louise.

- Tiens ! Dans la poche de celui-ci, j’ai trouvé des clés ! Et celle là, on dirait bien une clé de voiture, dit Pascal en montrant quelque chose que sa compagne ne voyait pas bien dans l’obscurité. Oui : je reconnais le logo sur le porte-clés… hé ! Pas mal !

- On les garde ! trancha Louise. On verra bien.

Ils réapparurent brièvement, pour disparaître presque aussitôt avec les clés et les anoraks.

Mis à part ce trousseau, ils ne trouvèrent pas grand-chose d’intéressant : un pulvérisateur nasal, quelques mouchoirs en papier, une petite poignée de pièces et de billets que Pascal fit passer dans sa propre poche (apparition - disparition) en dédommagement de leur captivité, et une boite de cachous. Louise ignorait que ce fut encore en vente et cette petite boite métallique jaune lui rappela son grand-père, bien des années plus tôt.

- On va essayer de trouver un garde-manger ou une cuisine : il doit bien y avoir quelque chose à grignoter, ici, quand même !

Ils progressèrent à pas feutrés dans le couloir. Le chien trottinait près d’eux, ses pattes faisant un petit cliquetis sur le sol carrelé.

- Chhht ! lui souffla Louise. Puis elle se souvint que Pascal et elle étaient toujours invisibles : même si quelqu’un venait, il ne verrait en principe que le chien mais ne se rendrait pas compte de leur présence.

La cuisine était au bout du couloir : une longue table en occupait tout le milieu. Louise et Pascal la contournèrent pour aller directement vers le frigo qu’ils avaient repéré à l’autre bout de la pièce.

- Je ne sais pas trop comment ça fait quand on mange en étant invisible, dit Pascal. Est-ce qu’on voit les aliments à travers l’estomac de celui qui a mangé ? Il vaudrait peut être mieux reprendre notre aspect habituel, et disparaître à nouveau quand nous aurons fini…

- Oui, c’est peut être mieux, dit Louise appuyant sur le disque central du médaillon.

Pascal saisit la poignée du réfrigérateur en rêvant aux délicieuses nourritures qu’ils allaient enfin pouvoir savourer. Louise eut l’idée de regarder sa montre à la lumière du frigo. Depuis leur sortie de la cave, elle n’en avait pas encore eu l’occasion.

Elle eut à peine le temps d’apercevoir les aiguilles qui indiquaient deux heures et demie lorsqu’une alarme retentit dans toute la bergerie. Pascal referma précipitamment la porte, mais la sirène continuait son raffut.

- Merde ! C’est quoi, ça ? Le frigo est sous alarme ?

- J’en sais rien, mais je crois qu’on a intérêt à décamper en vitesse !

- Donne moi ta main, vite !

Elle appuya sur le centre du médaillon et tous deux disparurent à nouveau.

La voix d’Yboulados retentit dans la cuisine et dans tous les alentours :

- Alerte à tous les fidèles ! Alerte à tous les fidèles ! Une flotte de cinq mille croiseurs de guerre intersidérale est en route vers la Terre, je répète : une flotte de cinq mille croiseurs en provenance de Pluton arrive sur nous. Tout le monde aux postes de combat ! Tout le monde aux postes de combat !

- Nom d’un chien ! (Oh, pardon, mon vieux !) Des hauts parleurs ! Il les réveille la nuit pour des exercices militaires à la noix et des histoires de plutoniens qui attaquent ! Ce mec est complètement allumé !

- Ça, on n’en doutait pas une seule seconde, répondit Louise, mais ça va sérieusement nous compliquer la tâche pour leur fausser compagnie ! Regarde dehors…

En effet, des projecteurs s’étaient allumés un peu partout autour des bâtiments. Louise et Pascal avaient beau se savoir invisibles, le moment semblait mal choisi pour faire démarrer une voiture : leur départ ne pourrait certainement pas passer inaperçu au milieu de cette agitation et il y avait de sérieux risques qu’ils soient poursuivis. S’il était possible de partir plus discrètement plus tard, ce serait largement mieux.

- Qu’est ce qu’on fait ? demanda Pascal. On attend qu’ils aient fini leur cirque ?

- Oui, on reste au chaud et on regarde : je ne pense pas qu’ils viendront préparer la tambouille pendant une attaque des petits hommes verts…

Par la fenêtre de la cuisine, ils pouvaient voir les occupants des chalets qui sortaient en toute hâte avec des armes. Celles-ci ressemblaient étrangement aux pistolets à eau que les enfants utilisent parfois sur les plages : mêmes formes, mêmes couleurs criardes et même allure de camelote achetée dans un quelconque bazar de plage. Louise sourit en se demandant si elle n’allait pas en voir des combattants arriver avec des épuisettes ! Elle aperçut Karine qui courait se cacher derrière une statue avec un genre de mitraillette, en plastique bleu et jaune munie d’une manivelle sur le côté ! Quand même, pensa-t-elle, cette fille est l’assistante d’un chercheur de haut niveau, elle n’est pas complètement idiote, enfin en principe… Comment peut-elle se laisser embarquer dans une telle mascarade ?

Les hauts parleurs qui retransmettaient la voix d’Yboulados devaient être un peu partout autour de la bergerie, puisque celui-ci envoyait des ordres aux combattants sans prendre part lui-même à la bataille. Il leur indiquait, de manière d’ailleurs assez approximative, dans quelle direction tirer, et les troupes obéissaient avec un enthousiasme tout à fait étonnant. Des bruits de détonations parvenaient aux combattants, sans doute aussi par les hauts parleurs, puisque Louise les entendait dans la cuisine. Quelques éclats lumineux multicolores, probablement commandées depuis le QG du gourou, ponctuaient la prétendue échauffourée.

A défaut de rimer à quelque chose, il fallait bien reconnaître que le spectacle de ce son et lumière du fond d’une vallée partiellement enneigée était assez joli à regarder !

Les déflagrations et les éclairs colorés continuèrent un moment sans que la voix d’Yboulados se fasse entendre. Lorsque celui-ci parla à nouveau, son timbre avait quelque chose de différent, moins métallique, plus naturel, comme si les paroles du gourou ne leur parvenaient plus à travers les hauts parleurs.

Toujours habillé en cosmonaute d’opérette, le fils de Cosmo-Chronos était entré dans la cuisine et avait allumé la lumière. Il tenait à la main un micro sans fil qui lui permettait de donner ses instructions à ses troupes sans être obligatoirement rivé à son poste de commandement. Il était sans doute venu se chercher un petit en cas… Les grands généraux ont besoin de prendre des forces pendant les batailles, c’est bien connu, pensa Louise.

Yboulados se dirigea effectivement vers le réfrigérateur, dont il sortit un bocal de pâté. Puis, se coupant une généreuse tranche de pain, il se confectionna un casse-croute, sans arrêter de diffuser à travers le micro sans fil ses ordres et ses commentaires sur la bataille. Louise et Pascal étaient totalement estomaqués par l’improbable spectacle de ce gros bonhomme en combinaison argentée qui dirigeait des troupes (armées de pistolets à eau) tout en bâfrant une tartine de pâté !

- Attention : deux cent cinquante mille succubes et incubes de Jupiter arrivent par l’ouest ! Feu à volonté ! Ne les laissez pas arriver jusqu’à nous ! Gloire à Cosmo-Chronos ! Pas de quartiers !

Le chien, attiré par l’odeur de la charcuterie, était venu près du gourou, espérant récolter quelques miettes. En tant peut-être qu’espion de Sirius, ou soupçonné tel, il ne récolta qu’un coup de pied qui le fit s’installer un peu plus loin, hors de portée des jambes d’Yboulados, mais toujours plein d’espoir.

Curieux, pensa Louise : il n’a pas appelé les gardes à la rescousse… mais c’eût sans doute été reconnaître qu’il n’était pas là où ses fidèles pensaient qu’il se trouvait. Ça en dit long sur la sincérité du personnage !

Louise aussi regardait la tartine avec convoitise, se disant que son compagnon devait sans doute en faire autant. Elle évalua les chances qu’ils auraient de neutraliser le gourou, mais estima que le jeu n’en valait pas la chandelle et qu’il était plus sage d’attendre qu’il ait quitté la pièce. Il ne serait sans doute pas judicieux de l’assommer ou même de le bâillonner, ses fidèles risquant de s’étonner de ne plus recevoir aucun ordre de leur chef. Pascal pourrait peut-être imiter sa voix et ses intonations pour leur annoncer que la bataille était gagnée, et en profiter pour envoyer tout le monde au lit… Elle rejeta cette possibilité, ne sachant pas comment arrêter les déflagrations et les éclairs : ce serait pour le moins étonnant d’annoncer que le combat était terminé alors que le vacarme continuait !

Au bout d’une vingtaine de minutes, Yboulados se leva pesamment et sortit de la cuisine. Louise estima que la fin de la bataille ne devait plus être très loin.

Effectivement, les détonations et les éclairs commencèrent bientôt à s’espacer. Yboulados décréta que la bataille était un succès total et que les armées ennemies avaient été mises en fuite. Une cérémonie d’action de grâce allait pouvoir se tenir immédiatement dans l’oratoire.

- C’est le moment, dit Louise. On sort, on repère la voiture qui correspond à la clé que tu as trouvée et on dégage !

- On ne mange pas ? demanda Pascal

- Plus tard !

La porte-fenêtre de la cuisine était fermée à clé. Pascal réussit à l’ouvrir d’un coup de pied et ils se dirigèrent vers le terre-plein servant de parking, à une cinquantaine de mètres de la bergerie. Les fidèles qui avaient pris part à la bataille convergeaient vers le bâtiment. Aucun d’entre eux ne semblait regarder dans la direction des deux fuyards.

Il n’y avait qu’un seul véhicule correspondant à la marque mentionnée sur le porte clés qu’ils avaient emporté : un gros 4x4 allemand à l’allure de char d’assaut.

- Ça fera l’affaire, déclara Louise. J’espère qu’il y a de l’essence dedans.

- Une seconde : je te cherche la clé… Ah, ça y est, je l’ai. Tiens, je te la pose dans la main.

- Pas facile de mettre une clé invisible dans une serrure… Voilà : elle y est ! Ouais ! C’est la bonne : ça ouvre, soupira Louise. Merde : ça ouvre, mais ça clignote, aussi !

- J’espère que personne ne regarde par ici, dit Pascal en claquant sa portière après s’être installé du côté passager.

Louise actionna le démarreur dans un bruit qui lui sembla assourdissant, mais le moteur ne voulut pas démarrer. Une seconde tentative ne fut pas plus concluante.

- Et merde ! Ne me dis pas qu’on a choisi la seule voiture en carafe de tout leur foutu parking !

Louise regarda dans le rétro : il lui semblait qu’il y avait de l’agitation du côté de la bergerie : ils avaient été repérés ! Ça devenait urgent de dégager d’ici !

- Démarre, nom d’un chien, démarre ! siffla-t-elle à l’adresse de la voiture, en tournant la clé pour la troisième fois sans plus de succès.

- Attends : Il n’y a pas une histoire de préchauffage avec les diesels ? Si ça se trouve, c’est quelque chose d’aussi idiot que ça.

- Oui, tu as raison ! Bon sang que je suis bête. C’est ce truc là : le voyant avec une espèce de petite spirale jaune. Il faut attendre qu’il s’éteigne.

Il ne fallut que quelques secondes, mais elles lui parurent interminables. Enfin, le voyant s’éteignit et Louise tourna la clé. Le moteur démarra cette fois du premier coup. Sans attendre, elle enclencha la première et roula en direction du pont. Il était temps : plusieurs silhouettes se rapprochaient en courant. Elle alluma les phares : de toute façon, ils étaient repérés, maintenant. Alors autant y voir quelque chose !

De l’autre côté du pont, elle sembla hésiter un instant, contourna les véhicules qui étaient garés là et vint, en marche arrière, percuter le flanc d’une voiture japonaise qu’elle poussa jusqu’à l’extrémité de la passerelle, interdisant ainsi le passage.

- Bon, ça devrait les retarder un moment ! dit-elle en enfonçant l’accélérateur.

- Eh bien cette fois, mon vieux Milou, nous sommes partis ! déclara Pascal.

- J’aimerais mieux que tu m’appelles autrement, répliqua Louise un peu froissée, si ça ne te dérange pas.

- Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ? Ah, non : j’étais en train de parler au chien.

- Au chien ?

- Ben oui : il est sous mes pieds…

... à suivre

mardi 22 mars 2011

Chapitre 14 (le vrai)

Ils prirent congé du bibliothécaire en le remerciant chaleureusement au nom de Mère Marie Bénédicte et de "toute la congrégation", en espérant qu’il ne chercherait pas à savoir le nom de celle ci. Le moine leur demanda par signe si leurs recherches étaient terminées, ce que Louise lui confirma.

Une fois dehors, elle chercha à se repérer dans les nombreux bâtiments du monastère et dans les petites cours à présent toutes désertes.

- Où est-ce qu’ils sont tous passés ? demanda Louise.

- J’ai bien l’impression qu’ils sont à la messe, répondit Pascal. Ecoute ça…

En effet, des chants religieux leur parvenaient, provenant sans doute de la chapelle, où toutes les âmes pieuses du lieu étaient à présent réunies. Il semblait évident que si les nonnes étaient à la messe. La navette de retour ne se mettrait pas en route avant un moment, et Karine proposa à ses compagnons de retourner à l’hôtel à pied. Ce ne serait, leur dit-elle, qu’une petite marche de deux ou trois kilomètres.

Pascal hésita un instant : l’idée de se promener sur les routes déguisé en bonne sœur ne lui plaisait qu’à moitié, mais il finit par se décider. Ils empruntèrent l’allée privée qui reliait le monastère à la Correrie. La route avait été convenablement déneigée et la progression n’y était pas difficile.

- Au moins, dit Louise, maintenant, nous connaissons le titre du livre qu’il nous faut chercher, son auteur, et l’endroit où il se trouve. Il y a juste un problème…

- Lequel ? demanda Pascal.

- C’est qu’à cet endroit là, l’enfer de la Bibliothèque Vaticane, il n’y a à peu près personne qui puisse y accéder, en tout cas, pas nous. Ce n’est pas en se déguisant en bonnes sœurs qu’on nous laissera entrer là-bas.

- Qu’est ce que c’est exactement l’enfer ? demanda Karine. C’est là qu’ils mettent les livres interdits, c’est ça ?

- Oui, à peu près, répondit Louise. Tous les livres compromettants pour la doctrine de l’église sont généralement entreposés dans ces sections particulières de certaines bibliothèques. Je suppose que les religieux avaient quand même un certain respect pour ce qui était écrit, puisque malgré tout, ces ouvrages n’étaient pas détruits. Il n’y a eu que de rares périodes, comme l’Inquisition, où on brûlait des livres, et encore, pas forcément les mêmes que ceux qui sont dans les enfers.

Ils passèrent à nouveau près de la Correrie, à côté de laquelle se trouvaient les véhicules de quelques visiteurs qui s’attardaient encore. Louise eut l’impression que Karine était soudainement devenue nerveuse en longeant le parking. Probablement la faim, pensa-t-elle, il doit y avoir des distributeurs de friandises pour les touristes. Il lui fallait bien reconnaître qu’elle aussi aurait volontiers grignoté quelque chose.

Arrivés sur la route principale qui les ramènerait à Saint Pierre de Chartreuse, ils se mirent en file indienne sur le côté gauche, pour voir plus facilement les véhicules arrivant face à eux sur cette route étroite. Il faisait encore jour, mais des piétons sur des routes en sous-bois en fin d’après midi ne sont pas forcément très visibles. C’était à eux d’être prudents.

Ils n’avaient pas fait trente mètres qu’un fourgon arriva à leur hauteur et s’arrêta. Louise le reconnut : elle l’avait déjà remarqué sur le parking de la Correrie et avait trouvé étonnant que deux hommes se trouvassent à l’intérieur. Elle avait alors supposé qu’ils attendaient d’autres personnes qui étaient parties visiter le musée, n’étant eux-mêmes pas intéressés par la visite.

La porte du fourgon s’ouvrit et les deux hommes en descendirent : un grand maigre et un petit moustachu.

- Mes sœurs, dit le plus grand d’un air goguenard, veuillez nous suivre. Montez dans le camion.

- Et sans faire d’histoires ! ajouta l’autre.

Si leur ton montrait assez qu’ils n’étaient pas d’humeur à s’éterniser en vaines palabres, les matraques qu’ils brandissaient rendaient leur demande à peu près irrésistible !

Machinalement, Louise et Pascal levèrent les mains. Karine gardait les bras le long du corps, mais regardait fixement le bout de ses chaussures. Tandis que ses compagnons étaient poussés sans ménagements à l’intérieur par la porte latérale et menottés à un montant métallique derrière le siège du conducteur, elle s’installa sur le siège passager, entre les deux hommes qui remontaient à leur tour dans le fourgon. Le véhicule redémarra ; le rapt n’avait duré qu’une vingtaine de secondes.

- Et elle ? demanda Pascal en désignant Karine, vous ne l’attachez pas ?

- Non, dit simplement le moustachu avec un petit rire bref.

- Karine ! Explique nous ! insista Louise. Qu’est ce qui se passe ? Ne me dis pas que tu es la complice de ces types là !

Assise sur le siège avant, la rousse s’enferma dans un silence gêné qui en disait assez sur sa connivence avec les deux malfrats.

La route était sinueuse, et la position des deux prisonniers, accroupis derrière le siège du conducteur, menottés aux montants, était extrêmement inconfortable, d’autant plus qu’il leur était impossible de voir à l’extérieur du véhicule.

- Où est-ce que vous nous emmenez ? demanda Louise au moustachu assis à côté de Karine.

- Bouclez-la ! Vous le saurez bien assez tôt, répondit celui-ci en la menaçant de sa matraque.

Louise n’insista pas. Elle se plongea dans de sombres pensées, se félicitant de n’avoir jamais fait totalement confiance à Karine. Ce n’était pas que de la jalousie : elle sentait depuis la première fois qu’elle l’avait vue que quelque chose n’était pas clair avec cette fille : elle était trop collante, trop envahissante, et il y avait trop de détails qui sonnaient faux dans sa naïveté feinte. Louise avait eu raison de se méfier : cette punaise leur avait joué la comédie dès le début !

Les larmes, la peur, le besoin de protection… tout cela n’était que du vent ! Et peut être même les tentatives de séduction à l’adresse de Pascal : du vent aussi ! D’une certaine façon, Louise en était un peu soulagée, mais les ennuis dans lesquels cette garce les avait entraînés étaient bien pires qu’une simple rivalité entre deux jeunes femmes. Elle repensa à ce que leur avait dit le Lieutenant Jamin : la secte du temple de… comment déjà ? Zaaf ? Zaarm ?

Oui, c’était ça : le temple de Zaarm ! Cette Karine en faisait probablement partie, tout comme en faisaient aussi partie l’homme qui avait cambriolé l’appartement de Pascal et les deux qui les avaient poursuivis la veille. Louise se souvenait d’avoir lu quelque part que les sectes ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins. La séduction était l’un des moyens les plus efficaces et sans doute l’un de ceux qui étaient le plus souvent employés… et tout ça sur ordre du gourou, bien sûr.

En l’occurrence, la secte du temple de Zaarm semblait particulièrement tenace ! Louise ne comprenait pas pour quelle raison ils tenaient tant à ce médaillon, mais elle était sûre d’une chose : elle n’avait aucune envie de les laisser s’en emparer par de telles méthodes !

Pascal et Louise avaient réussi à trouver une posture qui leur permettait de ne pas trop tomber à la renverse dans les nombreux virages de cette route montagneuse. L’unique paire de menottes qui les retenait tous les deux au montant métallique leur permettait de joindre leurs mains. Maigre consolation, mais s’ils échangeaient des regards, aucun d’eux n’osait dire un mot de peur de s’attirer les foudres de l’homme armé qui était toujours retourné vers eux.

Le trajet leur sembla long, mais Louise aurait été incapable de dire s’il avait duré une demi heure ou davantage : l’inconfort de leur position ne leur permettait guère d’avoir une notion du temps bien précise. A l’avant du fourgon, leurs trois ravisseurs, puisqu’il fallait bien compter Karine au nombre de ceux-ci, ne parlaient pas non plus.

La nuit était pratiquement tombée lorsque la camionnette s’engagea sur un chemin de terre, apparemment escarpé, passa sur ce qui semblait être un petit pont étroit, puis finalement s’immobilisa.

Sans un mot, les deux hommes et Karine descendirent du fourgon. Louise et Pascal entendirent cette dernière s’éloigner, tandis que le petit moustachu ouvrait la porte latérale du fourgon. Le grand maigre vint défaire leurs menottes et, d’un geste, leur ordonna de sortir du véhicule.

Ils descendirent sur le terre-plein, frissonnant dans leurs tenues de bonnes sœurs qui les protégeaient mal de la fraîcheur de la nuit. Quatre ou cinq voitures étaient garées près du fourgon, ainsi que deux ou trois autres à proximité d’un grand bâtiment construit un peu en contrebas. Plusieurs fenêtres étaient éclairées. Il était vraisemblable que plusieurs membres de la secte se trouvaient là.

Louise entendit une rivière, ou plutôt un torrent, à quelque distance. Ils avaient effectivement traversé un petit pont, que Louise chercha du regard. Elle le devina à une cinquantaine de mètres : davantage une passerelle qu’un véritable pont.

Mais ce qui l’étonna le plus se trouvait de l’autre côté, près du bâtiment : de hautes statues semblaient monter la garde tout autour. Certaines devaient être ornées de parties métalliques qui luisaient doucement sous la lueur de la lune montante. Comme ses yeux s’accoutumaient à la pénombre, Louise remarquait davantage de détails sur ces statues. Au premier abord, elle avait pensé à de gigantesques Bouddhas, mais en les examinant plus attentivement, elle se rendit compte qu’elles ressemblaient davantage à des espèces d’astronautes kitsch, casqués, munis d’antennes et vêtus de combinaisons chamarrées, même s’il était difficile de se rendre compte de leurs couleurs exactes.

- Par ici ! ordonna le moustachu en désignant le chemin qui menait vers la bâtisse. Maître Yboulados veut vous voir.

- Il aurait tout de même pu nous inviter plus aimablement, dit Pascal.

- Boucle la… avance ! lui répondit le grand maigre en le poussant dans le dos avec sa matraque.

Ils furent conduits dans ce qui semblait être une ancienne bergerie, confortablement aménagée, et dont la douce chaleur contrastait avec l’air piquant du dehors. Louise et Pascal purent constater au passage qu’outre les statues monumentales, six ou huit petits chalets de bois entouraient le bâtiment principal.

Le moustachu les poussa jusqu’à un grand salon lambrissé de bois clair. Une flambée était allumée dans une vaste cheminée de pierre. La pièce leur eut sans doute paru agréable en d’autres circonstances, mais avec deux olibrius armés de matraques derrière soi, on est moins enclin à apprécier le charme douillet d’une bergerie chartrousine, si bien rénovée soit-elle.

Ils n’attendirent pas longtemps : quelques secondes après que Louise et Pascal aient été introduits dans la pièce, douze personnes, sept femmes et cinq hommes, tous vêtus de longues robes blanches, entrèrent par une porte située au fond. Karine était parmi eux, elle aussi revêtue du même accoutrement. Ils se rangèrent de part et d’autre de la porte. L’un des hommes articula d’une voix solennelle :

- Debout, tête basse ! La Lumière Temporo-Sidérale, Maître Yboulados, fils de Cosmo-Chronos nous honore de sa visite !

- Longue vie à Maître Yboulados ! Gloire à Cosmo-Chronos ! mugirent les autres en chœur.

Un homme d’une soixantaine d’années, petit, chauve et rondouillard, entra dans la pièce d’un pas exagérément lent. Il portait une combinaison argentée qui rappelait certains personnages de science fiction dans la première moitié du vingtième siècle. Il roulait des yeux qui se voulaient menaçants et affichait une moue de mépris.

Simultanément, et sur le même rythme, les douze adeptes en robes blanches, ainsi que les deux porteurs de matraques, scandaient : "Cos-mo-Chro-nos, Cos-mo-Chro-nos…". Louise se dit que cette entrée qui se voulait sans doute impressionnante était simplement grotesque. Mais grotesques ou pas, les membres de cette secte les retenaient prisonniers et semblaient aussi déterminés que nombreux. C’était un argument suffisant pour la dissuader de rire.

L’assemblée s’était tue, on n’entendait plus que le crépitement du feu dans la cheminée. Le cosmonaute adipeux considéra Louise et Pascal d’un air narquois pendant un instant, puis il prit la parole. Cette fois, Louise dut se mordre la lèvre inférieure pour ne pas rire : le fils de Cosmo-Chronos avait un cheveu sur la langue !

- Alors, mes jolis oiseaux… Vous pensiez pouvoir m’échapper encore longtemps ?

- Qui êtes-vous ? demanda Pascal. Qu’est-ce que vous voulez ?

- Seriez-vous sourds ? Mes fidèles m’ont pourtant bien annoncé lorsque je suis entré, non ? Je suis Maître Yboulados, fils de Cosmo-Chronos, Lumière Temporo-Sidérale et grand maître de l’ordre du temple de Zaarm ! Vous vous êtes approprié quelque chose qui m’appartient, qui m’a été dérobé et qui me revient de droit : le Disque de Zaarm.

- Si cette traîtresse, près de la porte, vous a convenablement fait son rapport, siffla Louise en désignant Karine, elle a dû vous dire que le médaillon n’est plus en notre possession. C’est le lieutenant Jamin, de la police de Montpellier, qui l’a actuellement…

- Je sais déjà cela, l’interrompit Yboulados à son grand soulagement. Sœur Karine me l’a dit dès hier, comme elle m’a fidèlement tenu au courant de tous vos faits et gestes. Je ne m’inquiète pas pour le Disque : il me sera facile de le récupérer chez ces pauvres niais de policiers ! Mais vous, vous avez commis un sacrilège, un blasphème ! Vous devez être punis pour ce que vous avez fait !

- Un blasphème ? Mais qu’est ce que c’est que ce médaillon ? Qu’est ce qu’il a de si exceptionnel ? demanda Pascal.

- Mais vous êtes impossible, mon jeune ami ! Vous n’écoutez rien de ce qu’on vous dit ! Ce n’est pas un "médaillon", comme vous dites : c’est le Disque de Zaarm !

- Nous avons bien compris que c’était le Disque de Zaarm, intervint Louise, mais comment pouvons-nous savoir ce qu’il a de spécial puisque jamais personne ne nous a parlé de votre… religion ? Qui est Zaarm ?

- Zaarm est le créateur de toute chose, dit Yboulados en joignant les mains, créateur du temps et de l’espace, créateur de Cosmo-Chronos, dont je suis le descendant direct !

- Alors vous êtes un prophète ? demanda Louise qui avait compris qu’ils avaient tout intérêt à flatter ce grotesque personnage. Vous êtes le représentant du dieu sur Terre…

- Je suis bien plus que cela : je suis son descendant ! C’est à moi qu’appartient la mission de sauver la Terre des invasions de forces maléfiques venues du Cosmos ! C’est une mission difficile, une tâche ingrate, mais je m’en acquitte avec toute la conviction et toute la vigueur dont mes glorieux ancêtres m’ont rendu héritier !

- Et… il y a souvent des invasions de forces maléfiques ? demanda Pascal qui avait saisi le manège de Louise et entrait à son tour dans le délire du grand maître.

- Tout le temps ! Il y en a tout le temps ! Ils ne nous laissent jamais de répit, jamais un moment pour savourer notre victoire bien méritée ! Et pourtant, nous en remportons, des victoires : hier encore, nous avons repoussé huit mille croiseurs galactiques qui venaient nous envahir ! Nous avons dû livrer bataille en pleine nuit, et nous les avons anéantis ! Mais d’autres reviendront, ajouta-t-il d’un air las.

Puis il se ressaisit :

- Mais nous les anéantirons aussi, comme les précédents !

- Et le Disque de Zaarm ? demanda Louise. Il vous serait certainement une aide précieuse dans votre lutte…

- Inestimable ! C’est l’essence de notre foi, c’est un disque sacré, fabriqué dans un métal miraculeux, d’origine intergalactique, le moldamasque ! C’est celui qui confère l’immortalité.

- Qui confère l’immortalité ? demanda Louise en prenant un air faussement admiratif.

- Oui, vous m’avez bien entendu, plastronna Yboulados, il confère l’immortalité.

- Mais alors, poursuivit Louise, il y a une chose que je ne comprends pas bien : ce médaillon, enfin ce disque sacré appartenait à mon oncle, et je l’ai trouvé précisément en triant ses affaires après sa mort. Comment expliquez-vous qu’il soit décédé s’il l’avait ?

- C’est justement là que vous vous trompez : le Disque ne lui appartenait pas. Il n’avait donc aucun effet sur lui et c’est pour ça qu’il est mort. Le Disque l’a puni, au contraire : vous voyez bien que vous auriez mieux fait de me le donner, au lieu de le confier à ces policiers. Ceux qui détiennent le Disque de manière illégitime s’exposent à son châtiment !

- Mais il semblait l’avoir en sa possession depuis longtemps, dit imprudemment Louise…

- Depuis longtemps ? Alors je ne vois qu’une explication à cela : c’était un agent des forces maléfiques du Cosmos ! C’était certainement un haut dignitaire des armées de Proxima du Centaure qui avait transmuté dans le corps d’un terrien. Un général interstellaire qui s’était infiltré sur notre planète pour préparer une nouvelle invasion…

A ces mots, Louise ne put se retenir de pouffer, ce qui eut pour effet de mettre dans une fureur terrible le fils de Cosmo-Chronos.

- Vous riez ? Vous vous moquez de nous et de notre lutte ? Blasphème ! Sacrilège ! Vous m’insultez ! Vous insultez le Disque ! Vous insultez Zaarm ! Vous n’êtes pas dignes de paraître devant moi ! Ce sont des espions intergalactiques, des succubes de Sirius ! cria-t-il à l’adresse de ses adeptes. Michard, Lagarde, jetez-les au cachot ! Nous les garderons comme otages et nous les exécuterons lors de la prochaine attaque de leurs complices.

Louise et Pascal furent saisis sans ménagements et poussés vers une porte donnant sur un couloir. Ils faillirent trébucher dans un escalier descendant vers une cave, et arrivèrent finalement dans un sous-sol où ils furent enfermés dans une cellule grillagée.

Les deux hommes de main, Michard et Lagarde, fermèrent la grille au moyen d’un cadenas et s’en allèrent en éteignant la lumière du couloir, laissant Louise et Pascal dans l’obscurité.

... à suivre

lundi 14 mars 2011

Chapitre 13 (et non 14 comme je l'ai écrit hier par erreur)

Le ciel était maussade le lendemain matin, tout comme l’était la figure de Karine lorsque Louise et Pascal la retrouvèrent pour le petit déjeuner. Elle semblait préoccupée et n’affichait plus le sourire enjôleur qui avait tant agacé Louise les premiers jours. Cette dernière mit le changement d’attitude de la rousse sur le compte de son caractère de "mauvaise perdante".

- Salut ! lui lança joyeusement Louise, qui venait de passer une belle nuit et avait bien l’intention de le lui faire sentir.

- Salut… répondit-elle d’un air morose, en se tassant davantage sur sa chaise.

- Dis donc ! Tu as l'air bien fatiguée ! dit Pascal, tout aussi rayonnant.

- J’ai pas assez dormi… passé une nuit horrible… j'ai fait plein de cauchemars. Mais… ça va aller, ne vous en faites pas pour moi !

Louise se retint de dire qu’elle non plus n’avait pas beaucoup dormi. Il ne fallait quand même pas pousser la férocité trop loin !

- Tu as pris quoi, pour le petit déj ? demanda Pascal.

- Café… l’est pas mal avec du sucre et du lait. Les brioches sont bien aussi, mais le pain est moyen. Les confiotes, ça peut aller…

La serveuse arrivait justement pour prendre leur commande. Elle en profita pour annoncer aux deux nouveaux arrivants qu’il allait sans doute neiger, et s’enquit de leur programme de la journée.

- Vous n’aviez pas prévu une balade en montagne, j’espère ?

- Non, non, répondit Louise, nous avions l’intention d’aller à La Grande Chartreuse.

- Ah ! Vous allez voir le musée de la Correrie ? Vous verrez, c'est magnifique ! Et puis si vous voulez faire quelques achats à la boutique, je vous conseille de goûter la liqueur que font les moines. C’est une recette secrète qu’ils ont depuis plusieurs siècles ! Vous savez qu’il n’y en a aucun d’entre eux qui connaisse la recette complète ? Ils ne sont que deux ou trois à connaître chacun une partie des herbes qu’ils mettent dedans et…

- C'est gentil, l’interrompit Louise, mais nous allons surtout consulter les archives.

- Les Archives ? Ah, bon ! Excusez-moi, dit la serveuse en regardant la main de Louise posée sur celle de Pascal. Je… je ne savais pas que vous faisiez partie du clergé.

- Mais nous n'en faisons pas partie, objecta Pascal, cela pose-t-il un problème ?

La jeune femme ne savait plus trop que dire.

- C’est que… enfin, en principe, pour consulter les archives des Chartreux, il faut faire partie d’une congrégation, et d’ailleurs je croyais que les religieuses avaient réservé leur accès en exclusivité en ce moment. Mais… vous avez peut-être une autorisation spéciale ? s'empressa-t-elle d’ajouter en rougissant.

Louise lui sourit gentiment

- Oui, c'est ça, nous en avons une, lui répondit-elle. Puis, pour mettre un terme à la discussion, elle récapitula leur commande de petit déjeuner : un café et un thé… avec du lait, s’il vous plaît.

La serveuse acquiesça, tourna le dos et s'en retourna aux cuisines.

- Bon sang ! s'exclama Pascal en se penchant vers les filles ! Qu'est-ce que nous sommes bêtes ! Comment avons-nous pu penser que nous pourrions accéder aussi facilement à tout ça ?

- Oui, j’ai bien l’impression que nous avons agi avec précipitation, ajouta Karine. Les Chartreux ont la réputation d’être des moines excessivement discrets : ils ne vont sûrement pas ouvrir leurs archives aux premiers venus.

- Ne vous inquiétez pas : je crois avoir une solution à ce petit problème ! intervint Louise d’un air énigmatique.

- Et tu comptes t’y prendre comment ? demanda la rousse. Tu l'as entendue, non ? En fait, il n’y a que les religieux qui aient accès aux livres. Quant à avoir une autorisation spéciale, je n’ai aucune idée de la façon de procéder !

Louise éclata de rire :

- Moi, oui ! Rejoignez-moi dans la chambre d'ici une dizaine de minutes.

Et elle quitta la table sans en dire davantage.

- Et ton petit-déjeuner ? demanda Pascal. Tu n’as encore rien mangé !

- Prépare-moi quelques tartines… tu me monteras un doggy-bag dans la chambre, lui répondit-elle en lui donnant un petit baiser dans le cou.

Louise se dirigea vers l’escalier de bois et monta rapidement les marches. Son cœur battait à tout rompre, mais elle était bien décidée à ne pas se laisser arrêter par de simples formalités administratives.

Arrivée dans le couloir de l’étage, Louise jeta un regard autour d’elle : personne n'était présent, mais il fallait faire vite !

Elle tira le médaillon de son décolleté et pressa le disque central. La même lueur que la première fois se propagea autour d'elle, sembla trembloter un instant puis la fit disparaître. S’étant assurée dans un petit miroir accroché là qu’elle était bien devenue invisible, elle avança à pas feutrés dans le couloir. A quelques mètres d’elle, une porte s'entrouvrit et Louise saisit des bribes de conversation.

- Je descends déjeuner, sœur Marie-Sophie, vous me rejoignez tout à l'heure ?

- Oui bien sûr : je termine et j'arrive, répondit une autre voix de femme.

C’était l’occasion qu'attendait Louise : dès que la porte fut suffisamment ouverte, elle s'engouffra dans la pièce, bousculant légèrement la religieuse qui en sortait. Celle-ci, étonnée, se retourna, cherchant à apercevoir dans quoi elle s’était cognée, mais ne voyant rien, elle haussa les épaules pensant probablement avoir mal évalué l’espace dont elle disposait pour passer. La sœur referma la porte derrière elle.

La chambre était, à peu de choses prés, identique à celle qu’elle occupait avec Pascal, si ce n’est qu’elle comprenait deux paires de lits superposés. Elle était certainement occupée par quatre bonnes sœurs, trois d’entre elles étant déjà en train de déjeuner. Des valises ouvertes étaient posées sur une petite table basse, laissant dépasser des robes grises de nonnes.

Elle jeta un rapide coup d'œil en direction de la salle de bain : les bruits en provenance de la douche indiquaient que la personne qui s’y trouvait n'était pas encore prête à en sortir.

Louise s'approcha des valises. Son plan était des plus simples : s’emparer, pour un moment tout au moins, de trois panoplies de bonne sœur !

Elle espérait qu'en prenant les robes en mains, elles disparaîtraient avec elle, comme le faisaient ses propres vêtements. Elle saisit une robe, mais rien ne se passa. Le halo tremblotant qui la protégeait des regards ne s'étendit pas à sa nouvelle prise. Voilà qui allait sérieusement compliquer les choses !

Son cœur battit plus vite : la douche venait de s'arrêter ! Impossible de sortir comme ça, en emportant son butin encore visible : la vue de robes de religieuses voletant toutes seules à travers les couloirs de l’hôtel ne manquerait certainement pas d’exciter la curiosité des premières nonnes qu’elle croiserait. On crierait peut être au sortilège ; on appellerait l’évêque, des exorcistes, des désenvoûteurs ou quelque chose comme ça…

Une chanson guillerette venait de la salle de bains. Sœur Marie-Sophie devait être en train de se sécher… Il fallait trouver une solution, et rapidement !

Le souffle court, elle s'empara de trois robes grises, de trois cornettes blanches et pressa le disque central de son pendentif, annulant ainsi sa protection visuelle. Puis elle appuya une seconde fois. La manœuvre fonctionna : son butin était cette fois devenu invisible en même temps qu’elle.

Elle était sur le point de retourner vers la porte de la chambre lorsque Sœur Marie-Sophie sortit de la salle de bains.

Près de la fenêtre, Louise n’osait plus bouger, retenant sa respiration de peur que la nouvelle arrivante, une religieuse massive aux allures de walkyrie, ne l'entende.

- Oh ! Sainte Vierge, quelles coquines ! Elles ont encore remis ce fichu chauffage ! Je vois la chaleur qui monte le long de la fenêtre. On étouffe dans ces chambres !

Louise s’écarta précipitamment du radiateur sur lequel la walkyrie en tenue d’Eve se ruait pour l’éteindre. Celle-ci tourna la commande du thermostat dans un sens puis dans l’autre, s’étonna de constater que le radiateur était froid, et finit par hausser les épaules en signe d’incompréhension, avant de repartir vers la salle de bain.

Louise souffla silencieusement : elle l'avait échappé belle ! Elle s'approcha de la porte en silence, l'ouvrit délicatement et se glissa dans le couloir, puis jusqu’à sa chambre. Là, elle frappa à la porte pour s’assurer que Pascal et Karine n’étaient pas encore revenus. N’obtenant pas de réponse, elle entra, redevint visible et déposa deux robes grises sur le lit. Puis elle passa dans la salle de bains et revêtit la troisième, ainsi que la cornette. Le miroir lui confirma qu’elle était à peu près méconnaissable.

Pascal arriva quelques minutes plus tard, suivi de près par Karine. Surpris d’être accueilli par une religieuse en robe grise, il faillit laisser tomber les tartines qu’il avait rapportées.

- Oh… pardon ma sœur. Je crois que je me suis trompé de chambre…

- Le seigneur vous pardonne, mon enfant. Mais dépêche toi de me passer les nourritures terrestres : j’ai une dalle de nom de dieu !

- Louise ? C’est toi ? C’était ça, ton idée ? demanda Karine.

- Autorisations spéciales ! dit-elle en montrant les habits de religieuses. Vous n'avez plus qu'à faire comme moi : entrer dans les ordres ! On prend des inscriptions à l’essai.

Pascal la regarda, incrédule.

- Tu as piqué ça où ? demanda-t-il en rigolant.

- Oh, je crois qu’il y a eu quelques servantes du seigneur, par ici, dernièrement…

- Tu veux vraiment que je me déguise en bonne sœur ? s’étonna-t-il.

- Oui, s'esclaffa Louise en l'embrassant furtivement. Mais ne t'inquiète pas, mon chéri, je suis sûre que tu seras très mignon comme ça !

Pascal choisit la plus grande des deux robes qui restaient et l’enfila par-dessus ses vêtements. C’était probablement celle de Sœur Marie-Sophie, puisqu’elle était presque trop grande pour lui. Il chercha ensuite comment positionner la cornette, mais Louise l’arrêta :

- Attends ! Tu devrais aller te raser avant de mettre ce truc là : la barbe naissante, ça ne le fait pas vraiment !

Karine enfila la dernière robe et arrangea sa cornette. Louise la regarda et se dit que même ces vêtements austères ne parvenaient pas à l’enlaidir. Peu après, elle se fit la même réflexion pour Pascal, une fois qu’il fut revenu rasé de frais de la salle de bain et que les deux filles l’eurent aidé à ajuster sa cornette. Ca doit être ça qu’on entend habituellement par "les yeux de Chimène", pensa-t-elle.

- Peut être que l’habit ne fait pas le moine, rigola-t-elle, mais pour la bonne sœur, c’est à s’y tromper !

- Nous ne sommes tout de même pas venus jusqu’ici pour rien ! approuva Pascal.

Ils sortirent de la chambre, espérant tout de même ne pas rencontrer trop de leurs provisoires collègues, qui leur auraient probablement demandé qui ils étaient. Louise se voyait mal expliquer son geste s'ils se faisaient prendre. Mais la chance semblait leur sourire : le couloir était complètement désert. Louise vérifia dans sa poche qu’elle avait bien pris ses clés de voiture. Elle ne voyait pas d’autre façon pour se rendre au monastère que d’utiliser sa Mini, bien qu’elle fut un peu trop voyante pour la circonstance. C’était un risque à prendre…

Ils descendirent jusqu’à la réception, où une jeune femme, probablement la fille de la patronne, les interpella :

- Dépêchez vous, mes sœurs : votre navette va partir dans deux minutes ! Si vous courez un peu, vous devez pouvoir l’attraper : elle est encore sur la placette ! dit la jeune femme en pointant du doigt la direction à suivre.

- Merci, répondirent-ils en chœur.

Ils sortirent de l'hôtel en forçant le pas, autant que leur permettaient leurs robes étroites. Le petit bus refermait ses portes et commençait à partir. Louise eut juste le temps de faire de grands gestes pour attirer l'attention du conducteur. Celui-ci, les apercevant, s'arrêta et rouvrit les portes dans un chuintement pneumatique. Louise, Pascal et Karine se hâtèrent à petits pas pour le rejoindre.

- Hé ben dites donc, Mesdemoiselles, il était moins une ! s'esclaffa le chauffeur. Un large sourire dépassait sous son imposante moustache grise.

Le souffle court, ils s'assirent dans le bus.

- Merci mon fils, Dieu vous ait en sa sainte garde ! lui dit Karine en se laissant tomber dans son siège.

- Et cum spiritu tuo ! ajouta Pascal.

- N’en fais pas trop, tout de même ! lui souffla Louise d’un air sévère.

Elle parcourut des yeux l'intérieur du car, qui n'était pas très rempli. Parmi toutes les passagères, il n'y avait que deux nonnes grises assises au fond, les autres étaient des blanches, donc sans doute moins susceptibles de s’étonner de ne pas les reconnaître.

Le petit car prit la route du monastère, passa à travers des forêts enneigées, longea un ruisseau dont les eaux semblaient se précipiter contre les branches qui encombraient son lit, puis arriva en vue des imposants bâtiments de la Correrie. A la grande satisfaction de Louise, il contourna ces bâtiments, contenant le musée et que les touristes ne sont habituellement pas autorisés à dépasser. Puis il s’engagea sur une petite route privée qui menait au monastère proprement dit.

Louise, Pascal et Karine sortirent du petit bus en même temps que toutes les religieuses en blanc, évitant soigneusement de regarder dans la direction des grises.

Ils furent soulagés de constater que toutes n’allaient pas dans la même direction. Il était probable que différentes tâches les amenaient à la Grande Chartreuse, ce que confirmèrent divers panonceaux provisoires indiquant les salles et les activités qui étaient censés s’y dérouler. Des moines vêtus de blanc les croisaient, tête baissée, ne semblant prêter aucune attention à leur présence.

- Il faudrait essayer de trouver la bibliothèque, dit Louise, ou à défaut, le scriptorium : ils doivent être l’un à côté de l’autre.

- Je ne vois ni l’un ni l’autre, soupira Karine. Par contre, de ce côté-là, il y a le réfectoire et les cuisines… ça sent plutôt bon, d’ailleurs.

- Bonne pioche, s’exclama Pascal. Les cuisines, ça nous va tout à fait.

- Ne me dis pas que tu as faim ! protesta Karine.

- Non, mais le scriptorium est certainement au dessus des cuisines, expliqua-t-il.

- Ah bon ? Ils se faisaient des petits casse-dalles quand ça leur prenait, les moines ?

- Mais non ! dit Louise qui avait compris. Dans les monastères, le scriptorium est au dessus des cuisines parce que c’était la pièce où les moines passaient la plupart de leur temps. Comme les cuisines étaient chauffées par les fourneaux, et puis aussi comme il y avait des cheminées qui étaient presque toujours allumées, ça permettait d’avoir une température à peu près vivable dans le lieu de travail des copistes.

Ils se mirent en quête d’un escalier qui les aurait menés au dessus des cuisines. Ils ne tardèrent pas à le découvrir dans un renfoncement.

Ils gravirent les marches de bois, raides et nombreuses, qui menaient à un palier sur lequel s’ouvraient trois portes, elles aussi en bois massif. L’une d’entre elles était munie d’un heurtoir. Pascal le saisit et frappa trois séries de deux coups brefs. Sans trop savoir pourquoi, il lui semblait que ce signal ajouterait à leur crédibilité comme religieuses.

Un moine vêtu d’une bure blanche, semblable à ceux qu’ils avaient déjà croisés, passa la tête par l’entrebâillement de la porte, les considéra un moment et finit par leur sourire.

Il ne prononça pas un mot, mais son haussement de sourcils interrogateur disait assez qu’il attendait une explication sur leurs intentions.

- Bonjour mon frère, dit Louise à mi-voix. Nous sommes chargés par Mère Marie-Bénédicte d'une mission très précise et très secrète et nous aurions besoin de votre aide.

Le moine resta silencieux, mais hocha la tête pour les inviter à en dire davantage : en quoi pourrait-il les aider ?

- Il faudrait que vous nous conduisiez aux archives. Mère Marie-Bénédicte nous a conseillé de nous adresser à vous pour ce service.

Le chartreux eut l’air étonné de cette dernière remarque, mais probablement habitué à des années de silence, il leur fit signe, toujours sans un mot, de le suivre.

Il les précéda dans un dédale de petits couloirs, de coursives ouvertes, d’escaliers si étroits qu'il eut été impossible d'y marcher à deux de front. Tout le parcours n’était que brusques tournants, montées, descentes… il n’y avait pratiquement jamais de grandes enfilades de couloirs comme Louise s’était attendue à en trouver. Seules les coursives extérieures avaient une certaine longueur.

Les trois fausses nonnes avaient l’impression que le Chartreux leur faisait parcourir la totalité des couloirs du monastère. Ils marchèrent plusieurs minutes sans dire un mot : les archives n’étaient visiblement pas au-dessus des cuisines. Ce n’était d’ailleurs pas nécessaire, puisqu’il semblait y avoir au moins un petit poêle dans chacune des pièces. L’étonnement dont le moine avait fait preuve tout à l’heure était bien compréhensible !

Arrivés près d’une porte en bois grossier qu’on aurait plutôt imaginée être celle d’une remise, le moine sortit une carte magnétique de sous sa bure, au grand étonnement des visiteurs, et la passa devant un capteur fixé au mur. Un cliquetis discret se fit entendre et le chartreux poussa la porte.

En leur souriant, il leur fit signe d’entrer. Pascal passa le premier suivi immédiatement des deux filles. Le chartreux referma la porte derrière eux.

L'endroit était à couper le souffle : immense en comparaison des étroits couloirs par lesquels ils étaient passés pour arriver jusque là. Louise n'en croyait pas ses yeux : la pièce était longue d'une quinzaine de mètres, large de dix, avec un plafond à caissons ornés, qui culminait à trois ou quatre mètres au dessus de leurs têtes. Les proportions n’avaient rien de gigantesque, mais après la succession de pièces minuscules qu’ils venaient de voir, celle-ci semblait aussi vaste qu’une cathédrale.

Les deux seules fenêtres étaient dans la partie la plus étroite, au fond de la pièce, laissant passer un peu de la lumière du jour. Les autres murs étaient intégralement recouverts d'étagères pleines de livres aux couvertures épaisses, mais aussi par endroits de boîtes d’archives, plus modernes, et dont l’aspect semblait incongru au milieu de ces vénérables ouvrages reliés de cuir. Entre les rangées étaient alignés des pupitres, au bois patiné par des années, voire des siècles, d’un usage studieux. Au fond de la pièce, près des fenêtres, un immense tableau aux teintes sombres représentait un moine portant une bure blanche. Un autre moine, en chair et en os celui-là mais également vêtu de blanc, était assis à un bureau juste en dessous.

- Alors, par quoi on commence ? demanda Pascal dans un murmure.

Louise eut un moment de vertige. Maintenant qu'ils étaient dans la place, elle se rendait compte qu'ils avaient agi de manière un peu précipitée et n'avaient jamais véritablement réfléchi à la façon de s'y prendre. Comment trouver ce qu'ils cherchaient au milieu de cette masse de documentation ? Et d’ailleurs, que cherchaient-ils au juste ? Il devait y avoir plusieurs milliers de livres sur ces rayonnages, et les consulter tous prendrait plusieurs années. Par ailleurs, Louise se trouvait face à un choix embarrassant : soit elle prétendait ne savoir du médaillon que ce dont les deux autres étaient déjà au courant, soit elle élargissait le champ des recherches en parlant de l’invisibilité qu’elle avait découverte. Elle écarta cette seconde possibilité, se sentant toujours réticente à en faire part, tout au moins à la grande rousse.

Pascal et Karine la regardaient, semblant attendre ses instructions.

- Si au moins je savais ce qu'on doit chercher ! chuchota-t-elle.

- Tu veux dire que tu ne sais pas ce qu’on fait ici ? Tu n’as pas la moindre idée de ce qu’il faut chercher ? s’indigna Karine à voix basse.

Louise se sentit vexée par la remarque de Karine.

- Parce que toi, tu sais, peut-être ? demanda-t-elle.

- Non mais quand même, je te trouve un peu gonflée ! Tu me fais faire trois heures et demie de route, pliée en quatre à l’arrière d’un pot de yaourt, et maintenant, tu viens me dire que tu ne sais pas pourquoi on est là ?

- Un pot de yaourt ? Quel pot de yaourt ? souffla Louise sur la défensive.

Une toux brève se fit entendre du côté des fenêtres : le bibliothécaire leur rappelait sa présence.

- Allons le voir, suggéra Louise. Il doit avoir un index général de tous les ouvrages qui sont conservés ici.

- Excuse-moi, pour tout à l’heure, chuchota Karine à l’adresse de Louise. Je n’aurais pas dû te dire ça.

Louise l’assura que ça n’avait pas d’importance.

- Pardon, mon frère, dit Louise au Chartreux assis derrière le bureau, Nous souhaiterions consulter le répertoire des ouvrages de cette bibliothèque. Est-ce que vous auriez des registres ou quelque chose comme ça ?

Le surveillant leur fit signe de s’installer à une table voisine, avec un ordinateur relié à un serveur interne, dans lequel les milliers de livres de la bibliothèque étaient référencés. Un bref aperçu du contenu de chacun des ouvrages était également disponible.

Ils se mirent au travail sans attendre. La classification n’avait rien à voir avec celle de Dewey, habituellement en vigueur dans pratiquement toutes les bibliothèques du monde, et Louise fut un peu déconcertée au début. Le moine bibliothécaire leur expliqua par gestes la signification des cotes et la manière de trouver rapidement un ouvrage dans les divers rayonnages : la bibliothèque était divisée en secteurs, nord, sud, est et ouest, puis en groupes d’étagères et enfin en rayonnages. Il les laissa libres d’aller eux-mêmes chercher les ouvrages, à condition bien évidemment qu’ils les remissent à la bonne place après les avoir consultés.

Louise se rendit vite compte que la bibliothèque des Chartreux contenait une gigantesque mine d'informations en tout genre. Tous les sujets de réflexion, du moyen-âge à nos jours, étaient évoqués ici : philosophie, religion, sciences, techniques, et même ésotérisme.

- Pratiques et rituels de magie simple au 16ème siècle ! Démonologie ! Guide des au-delàs des peuples païens ! Pas étonnant que les Chartreux n’aient pas envie de divulguer tout ça, murmura Louise.

Tout ce qui semblait avoir un rapport avec des bijoux anciens, des écritures primitives, avec Héphaïstos ou Vulcain, lui semblait valoir la peine d’être examiné. Elle pensa chercher aussi du côté des mythes d’invisibilité, mais ne trouva rien sur ce sujet. Peut être était-ce aussi bien ainsi pour l’instant : cela lui éviterait d’avoir à trop en dire sur les étonnantes propriétés du médaillon. Il lui semblait vaguement se souvenir qu’Hermès avait quelque chose pour devenir invisible, mais ses souvenirs sur la mythologie lui faisaient défaut pour le moment et elle était incapable de dire de quoi il s’agissait… pas d’un médaillon en tout cas !

Louise se réserva les ouvrages qui étaient rédigés en latin : bien que ne maitrisant pas cette langue aussi parfaitement que le Professeur Campagnolo, elle arrivait néanmoins à se faire une idée assez nette du contenu des ouvrages. Pascal et Karine s’en tinrent à ceux qui étaient rédigés en "langue profane", généralement des écrits plus récents.

La matinée ne leur apporta aucune piste digne d’être approfondie, pas plus qu’une bonne partie de l’après midi. Le petit déjeuner de l’hôtel Charmant Som était maintenant loin derrière eux, et la faim commençait à se faire sentir. Pourtant, aucun d’eux ne semblait vouloir suspendre les recherches.

Vers quatre heures et demie, le jour s’assombrissait et le bibliothécaire alluma les lumières électriques avant de sortir de la grande salle, non sans faire signe qu’il revenait bientôt.

Le découragement commençait à gagner les trois fausses nonnes. Louise murmura :

- Nom d’un chien ! Mais ce que j’ai pu être bête ! On se fourre le doigt dans l’œil depuis ce matin !

- Qu’est ce que tu veux dire ? souffla Pascal.

- Ça fait bientôt six heures qu’on cherche des bouquins sur les bijoux ou les vieux alphabets, alors que la réponse, nous l’avions depuis le début : ce qu’il faut essayer de trouver, ce sont des livres de Saint Bruno ! En tant que fondateur de ce monastère et aussi de l’ordre des Chartreux, ses écrits doivent certainement figurer en bonne place, ici.

Et elle se replongea dans l’index général, se servant cette fois des noms d’auteurs pour effectuer sa recherche. Il y avait trois ouvrages référencés comme étant des œuvres de Saint Bruno : "Epistolae primibus cartusianibus", "Ad augustam per silencium", dont Louise traduisit les titres pour ses deux comparses : Les lettres des premiers chartreux, et Vers le bonheur par la voie du silence. Mais ce fut le troisième qui attira tout particulièrement son attention : "De credentiae primii temporii".

Les croyances des premiers temps !

- Les premiers temps ! ou alors les temps premiers ! s’exclama-t-elle en se souvenant du message sur le bout de papier qui accompagnait le pendentif. C’est ça ! C’est dans celui-ci que se trouve la réponse !

Elle chercha dans la colonne correspondante dans quel secteur de la bibliothèque se situait le livre en question, mais au lieu des indications habituelles, quartier de mur, numéro de travée et d’étagère, elle ne trouva que des lettres : BAV – Inf.

- C’est curieux : les deux autres sont référencés comme tous les ouvrages de cette bibliothèque, mais on dirait que celui-ci est à part. Il s’agit probablement d’un écrit particulièrement important dans l’œuvre de Saint Bruno…

- Est-ce que par hasard, le "Inf" ne voudrait pas dire "inférieur" ? suggéra Karine. On pourrait regarder dans toutes les étagères du bas…

- J’en doute, mais tu peux toujours essayer si ça te chante. Ça pourrait aussi être une salle située plus bas que celle-ci, ou alors n’importe quelle autre explication. Et puis il y a ce V : est ce que c’est une lettre, ou un chiffre romain ?

- Le plus simple serait de demander au surveillant de bibliothèque, intervint Pascal. Il devrait bientôt revenir.

- De toute façon, décida louise, je crois qu’on a vu tout ce qu’il y avait à voir ici. On a quand même progressé : nous connaissons le titre du livre que nous cherchons, son auteur, et nous avons un début d’explication sur son référencement, même si nous n’avons aucune idée sur ce que ça veut dire.

- Et le Professeur Campagnolo ? Tu crois qu’il pourrait nous en dire davantage ?

- On peut toujours essayer.

Elle fouilla dans ses poches, mais ne trouva pas son téléphone.

- J’ai oublié mon portable à l’hôtel quand je me suis changée tout à l’heure !

- Prends le mien, suggéra Pascal.

- Le problème, c’est que je ne connais pas son numéro : il est dans la mémoire de mon téléphone. Et puis de toute façon, se souvint-elle, il ne doit pas être chez lui : il nous a dit qu’il partait à en Jordanie aujourd’hui : il est sans doute déjà parti, peut être même arrivé là bas. En plus, je ne sais même pas s’il a un portable…

- Bon, intervint Karine, si je comprends bien, on n’a plus qu’à partir d’ici. On pourra en profiter pour aller manger quelque chose : je vais finir par tomber d’inanition.

- Quand même, tu as déjeuné, ce matin : ça ne fait que huit heures sans manger. Si Saint Bruno t’entendait, ça le bien ferait rigoler, dit Pascal. Ça devait être le genre de religieux à jeûner pendant plusieurs jours.

Puis, se tournant vers les fenêtres, il continua :

- Mais au fait, j’y pense : Qui pensez-vous que ce soit, ce moine là bas, entre les deux fenêtres ?

Karine fit une moue d’ignorance, tandis que Louise répondait :

- Le fameux Bruno, probablement…

- Et si le livre que nous cherchons était caché derrière le tableau ?

Les trois fausses religieuses se précipitèrent ensemble vers le tableau, qu’elles commencèrent à palper, tapoter, examiner sous toutes les coutures, mais rien ne permettait de supposer qu’il put y avoir quoi que ce soit de caché derrière.

Une nouvelle fois, une petite toux brève se fit entendre à l’autre bout de la pièce : le bibliothécaire était de retour. L’expression qu’affichait son visage montrait assez que le moine n’approuvait pas qu’on posât aussi familièrement les mains sur le portrait de Saint Bruno.

- Ah ! Mon frère, lui demanda Louise sans se démonter, nous avons un petit problème de référencement. (haussement de sourcils du chartreux) Nous cherchons le livre intitulé "De credentiae primii temporii", mais il ne semble pas indiqué de la même façon que les autres…

Tout en disant ces mots, elle s’était rapprochée de l’écran de l’ordinateur montrant les références des ouvrages. Elle le montra au religieux.

- Voilà, regardez : les indications de cette colonne ne nous permettent pas de le retrouver dans cette salle. Est-ce que par hasard vous sauriez ce que veut dire " BAV – Inf" ?

Le moine regarda l’inscription, hocha la tête, puis sortit un crayon et un carnet d’un tiroir de son bureau. Louise le vit griffonner quelque chose, qu’il lui tendit.

"Bibliotheca Apostolica Vaticana – Inferno."