Le lendemain Louise se réveilla la première. Pascal et elle étaient restés sages et n'avaient même pas échangé un câlin, mais le simple fait qu'il ait préféré passer sa nuit avec elle plutôt qu'avec Karine la remplissait de joie. Il dormait près d'elle ! Elle le regarda dormir un moment, puis elle déposa un léger baiser sur ses lèvres, sans qu'il se réveillât.
Elle glissa doucement hors du lit et se faufila jusqu'à la salle de bain pour y faire un brin de toilette. Quelques minutes plus tard, elle en ressortait affamée. Elle passa devant Karine, qui ronflait toujours et la remercia d'avoir ce petit défaut qui lui avait permis de passer une nuit presque entière contre l'homme qu'elle aimait. Elle avait d'ailleurs décidé de ne plus trop s'en cacher, décidée à savoir enfin si Pascal ressentait la même chose pour elle. Il ne fallut pas longtemps pour que les bonnes odeurs de petit déjeuner ne réveillent les deux autres. Pascal arriva dans la cuisine, l'air endormi. Il bâilla longuement, embrassa Louise sur la joue et s'assit à côté d'elle.
- Tu as bien dormi ? lui demanda Louise.
- Parfaitement bien, lui répondit Pascal avec un sourire de contentement. Par contre, j’ai fait de drôles de rêves.
- Ah bon ? Quel genre de rêves ? demanda Louise interloquée.
- J'ai rêvé que tu m'embrassais, répondit-il en mordant dans une biscotte.
Le cœur de Louise fit un bond, avait-il réellement rêvé, ou voulait-il simplement lui faire comprendre qu'il ne dormait pas lorsqu'elle lui avait volé ce baiser matinal ?
- Ah ? se contenta-t-elle de dire, un peu gênée et rougissante.
- Et c'était vraiment très agréable ! continua-t-il comme si de rien n'était.
Louise remarqua qu'il la surveillait du coin de l'œil. Cherchait-il à la tester ?
- Dommage que ce ne soit qu'un rêve alors ! lui lança Louise sur un air malicieux.
Elle avait repéré son manège et comptait bien poursuivre le jeu de séduction qu'il venait d'entamer.
- Oui, peut-être… répondit simplement Pascal en tournant la tête vers elle.
- Mais les rêves peuvent parfois devenir réalité ! répondit-elle en se rapprochant de lui, la tête embrumée par ses propres émotions.
Ses lèvres n'étaient plus qu'à quelques centimètres de celles de Pascal. Son cœur battait à tout rompre, ses jambes tremblaient tellement qu'elles n'auraient pas supporté son simple poids si elle n'eût été assise. Elle sentit le souffle de Pascal sur son visage et une intense envie de faire durer cet instant, en même temps qu’elle était impatiente de connaître ce baiser tant attendu.
- Salut tout le monde ! claironna une voix joviale à l’entrée de la cuisine.
Le rêve se brisa d'un seul coup. Louise et Pascal s'écartèrent l'un de l'autre.
- Salut ! répondirent Pascal et Louise en même temps.
Karine était la dans l'entrebâillement de la porte, ses cheveux blonds en bataille, mais toujours jolie malgré son pyjama.
Louise l’accueillit avec un sourire mitigé : ce n’était sûrement pas un hasard si elle avait choisi de faire une entrée aussi tonitruante !
- Bien dormi ? demanda Louise.
- Comme un bébé, répondit la rousse en montrant sa barboteuse.
Un bébé un peu bruyant, pensa Louise, ce genre de problèmes respiratoires peuvent faire craindre la mort subite du nourrisson !
Ils prirent cependant leur petit déjeuner dans une relative bonne humeur. Karine continuait son jeu de séduction sur Pascal, mais Louise ne s'en offusquait plus, au vu de ce qui venait de se passer entre eux juste avant.
La conversation revint très vite sur les interrogations que soulevait le médaillon. Louise était persuadée que la solution se trouvait au monastère de la Grande Chartreuse et elle essayait d'en convaincre ses compagnons.
Pascal, qui la veille donnait pourtant l’impression d’adhérer à sa thèse, émettait ce matin quelques réserves. Karine, quant à elle, semblait n’avoir aucun avis sur la question, mais se ralliait invariablement à celui de Pascal, approuvant tout ce qu'il disait d'un vigoureux hochement de tête suivi d'un "oui, oui ! je suis d'accord !". Louise fut agacée par cette entreprise de flatterie vis-à-vis de Pascal, qui pour sa part n’y voyait que du feu.
Force lui était pourtant de reconnaître que les arguments qu’elle avançait en faveur de la Grande Chartreuse étaient bien minces. Pascal objectait qu’ils ne pouvaient tout de même pas partir sur une simple intuition, sans véritablement savoir ce qu’ils allaient chercher. Elle ne savait plus trop quoi penser. Il est vrai qu'elle-même commençait à trouver sa théorie un peu hasardeuse.
Le petit déjeuner terminé, elle se résigna et partit vers la salle de bain où elle comptait faire une lessive. Elle prit le linge dans la corbeille et l'engouffra dans le tambour de la machine, chercha du regard le paquet de pastilles d’adoucissant. C’est alors qu’elle aperçut sur l’étagère le globe qu’elle avait posé là quelques jours plus tôt. Elle se souvint du trou qu’elle avait remarqué dans le sud-est, un peu plus bas que Lyon… Les évènements depuis cette découverte s'étaient enchaînés trop vite pour qu'elle puisse repenser à ce détail, que sur le moment elle avait jugé insignifiant.
Elle se souvint alors de l’impression de déjà vu qu’elle avait ressentie chez le Professeur Campagnolo lorsque celui-ci avait parlé de la Grande Chartreuse. Bien sûr : le trou dans la carte de France ! Ce trou qu’elle n’avait évidemment pas pu situer avec précision à cause de la petite taille de la carte : c’était le monastère ! Elle en était sûre !
Elle saisit rapidement le globe, pressée d'aller montrer à Pascal une preuve que la Grande Chartreuse était une partie du puzzle. Elle se précipita dans la cuisine où celui-ci était en train de faire la vaisselle du petit déjeuner tandis que Karine essuyait avec un soin méticuleux.
- Pascal ! Regarde : j’avais raison !
Pascal se retourna : Louise brandissait le globe comme un trophée. Il haussa les épaules, l'air de dire qu'il avait déjà vu cet étrange écrin, mais lorsqu’elle lui montra le trou et la croix, il se montra plus attentif.
- C’est là, s’exclama-t-elle. Ce n’est pas par hasard que mon oncle a marqué cet emplacement sur le globe.
- Tu es sûre que c’est la Chartreuse ? demanda son ami.
- Il y a un moyen d’en être sûrs, répondit-elle, c’est ce que je voulais faire l’autre jour, mais je n’ai pas eu le temps de m’en occuper parce que j’avais rendez-vous avec toi. On va prendre une photo de la carte de France qui est sur le globe, et avec le Netbook, on va superposer ça à une carte qui indique l’emplacement de la Chartreuse. L’autre jour, je ne savais pas quoi chercher, mais maintenant, il suffira de confirmer que les emplacements de l’un et de l’autre coïncident effectivement !
Louise sortit son petit appareil numérique et prit une photo du globe en mode macro. Celle-ci fut rapidement transférée sur l’ordinateur et rapprochée de la petite carte qui, sur Wikipedia, permettait de situer le monastère de la Grande Chartreuse. Les deux emplacements étaient identiques !
Il ne leur en fallut pas plus pour décider de partir en direction de la Chartreuse.
- Comment allons-nous y aller ? demanda Karine.
- Comment ça, "nous" ? s’offusqua Louise. On n’a pas dit qu’on t’emmenait !
- C’est que… en fait, je n’ose pas retourner chez moi : j’ai peur, après mon agression d’hier. Et puis je me sens plus en sécurité avec vous !
- Oui, mais "en fait", ça risque d’être encore plus dangereux là bas ! railla Louise en imitant les intonations de Karine.
- Bon, arrêtez de vous chamailler ! Je crois que ça ne risque pas grand-chose pour qui que ce soit si Karine vient avec nous, intervint Pascal.
Louise saisit cette allusion à peine voilée et l’interpréta comme une sorte d’assurance que son ami ne se laisserait pas embobiner par les tentatives de séduction de la rousse.
- Bon, concéda-t-elle. Mais ça ne nous dit pas comment on y va. Moi, j’avoue que je préfère largement la voiture, surtout si on est trois !
- En train, ce serait moins fatigant, dit Pascal.
- Ouais, bof ! On va voir ce qu'ils proposent, dit-elle peu convaincue. L’ordi est allumé, on en a pour une minute.
Elle tapa rapidement leur destination sur le site voyages-sncf.com.
- Oh ! Nom de dieu, qu'il est pénible leur site !
- Tu viens à peine d’y accéder, remarqua Pascal.
- Oui, mais ça m’énerve déjà ! Tiens, voilà dit-elle rageusement : départ de la gare Montpellier Saint-Roch à 6 heures et des brouettes, arrivée à 14 heures… non, c’est pas vrai ! Grenoble ? Ils ne vont pas plus loin que Grenoble ? Et on finit comment ? A pieds ?
- Attends, je vais essayer, lui proposa calmement Pascal.
Il s'escrima pendant un moment avant d'avoir la réponse escomptée et après une demi-heure, non sans s’être lui aussi énervé, il arriva enfin à un semblant de résultat.
- Bon ! Ce n’est pas vraiment évident, cette affaire ! Pour aller jusque là-bas, il faut qu’on arrive d’abord à Grenoble : ça fait déjà trois heures et demie de train. Puis de là, on a deux cars par jour : un le matin : pas la peine d’y penser, et un autre le soir… Aïe : tu as vu l’heure d’arrivée ? Non, tu as raison : c’est trop le bazar ! D’autant plus qu’on en a pour presque cent euros chacun !
- Et en voiture, il nous faut combien ? demanda Louise.
Pascal chercha un instant.
- 3 heures 17, et ça nous coûtera 52 euros de frais de carburant et de péage, répondit-il après avoir consulté le Bibendum. C'est déjà bien plus abordable ! Surtout à nous trois, dit il en interrogeant Karine du regard pour confirmer qu'elle était toujours décidée à venir avec eux.
- Bien, on n’a plus qu’à préparer nos sacs : on part en fin de matinée ! Trois heures et demie de trajet, c’est pas la mer à boire : on pourra prendre tout notre temps.
- Et pour la police, on fait quoi ? demanda Pascal.
Louise haussa les épaules :
- Je ne sais pas. Qu’est ce que tu proposes ?
- Je vais appeler Madame Jamin, dit Pascal, ça me semble plus convenable.
La policière n'émit pas d'objection à leur départ, probablement contente de ne plus avoir à bloquer des moyens humains pour leur protection.
Louise, pendant ce temps, avait trouvé, à proximité de Saint Pierre de Chartreuse, un hôtel abordable qui pourrait leur servir de base d’opérations. Par chance, il restait justement deux chambres : une double et une simple. Elle les réserva toutes les deux.
Le cœur de Louise battait fort, elle avait hâte d'être dans le massif de la Chartreuse et peut être de trouver le fin mot de l'histoire. Il ne leur fallut pas longtemps pour boucler le peu de bagages en leur possession.
La circulation était fluide sur l’autoroute. Louise se sentait soulagée de mettre un peu de distance entre elle et Montpellier. Et puis la présence de Pascal sur le siège passager, à côté d’elle, la remplissait de joie, lui faisant presque oublier que Karine était sur le siège arrière.
- Si on s’arrêtait prendre un café ? proposa Pascal.
Ils arrivaient en vue d’un panneau annonçant une aire pourvue de divers services. Louise s’engagea sur la bretelle et se gara devant une petite cafeteria. Les deux filles choisirent des cafés au lait à un distributeur, tandis que Pascal que se décidait pour une soupe à la tomate. Tous trois se retrouvèrent debout autour d’une table, rien n’ayant été prévu pour s’asseoir.
- Excusez-moi un moment, dit Karine, en fait, je dois aller aux toilettes… une envie pressante ! se justifia-t-elle avec un clin d'œil avant de s’éclipser.
- Qu’est ce qu’elle m’agace, avec ses "en fait" ! dit Louise lorsque la grande rousse fut hors de vue. Quand j’étais en fac, les nanas dans son genre étaient invariablement en droit : le style à arriver dans une boulangerie : « Bânjour, j’voudrais un p’tit pain au ch’colaah ! », tu sais, avec la mèche rejetée en arrière.
- Décidément, tu ne l’aimes pas du tout ! s’amusa Pascal.
- C’est plutôt que je la trouve crispante, c’est tout…
- Je crois qu’elle est juste un peu paumée. Elle n’est pas bien dans sa peau : ça se voit.
- Oui, peut être, concéda Louise, dubitative.
Lorsque Karine fut entrée dans les toilettes, elle jeta un rapide coup d'œil par les hublots vitrés des portes battantes pour s'assurer que ni Louise ni Pascal ne la regardaient, puis elle sortit son téléphone portable.
- Allo ! C’est Karine… Dites à Maitre Yboulados que nous sommes en route pour la Grande Chartreuse… je répète : la Grande Chartreuse. Arrivée prévue dans l’après midi.
Et sans en dire davantage, elle raccrocha.
De retour des toilettes, elle affichait toujours son sourire charmeur. Louise la regarda arriver et se dit que Pascal avait sans doute raison : c’était une pauvre fille un peu perdue ; elle avait certainement été secouée par les évènements qu’elle avait vécus la veille et cherchait à se rassurer comme elle pouvait. Elle se sentait presque apitoyée et lui trouvait finalement un côté touchant, sous ses airs de beauté fatale envahissante.
Louise lui rendit son sourire et lui tendit sa tasse de café.
- Tiens, il est encore tout chaud. Bois-le vite : je file aux toilettes à mon tour et on repart, il nous reste encore presque deux heures de route.
- Merci ! Oh… quelqu’un veut un truc à manger ? En fait, je vais au comptoir me chercher un petit pain au chocolat !
Pascal faillit s’étrangler avec une gorgée de soupe à la tomate.
(Chapitre 12)
Les derniers kilomètres furent parcourus à un rythme moins soutenu, l’autoroute ayant fait place à une petite nationale sinueuse et aux bas-côtés encore enneigés. Du verglas était toujours à craindre dans ces parages en ce début de mars. Ils déjeunèrent rapidement d’un sandwich dans un café de Voiron, et arrivèrent à Saint Pierre de Chartreuse en début d’après midi. Là, ils se mirent en quête de l’hôtel Charmant Som, qu’ils ne tardèrent pas à découvrir un peu en dehors du village, se découpant sur un paysage de montagnes enneigées, éblouissantes sous le soleil de fin d’hiver.
- Dis donc, s’exclama Pascal, tu nous as dégotté un super truc ! Tu sais à quoi ça me fait penser ? On dirait un peu l’hôtel qu’on voit au début de Tintin au Tibet…
- Oui, peut-être, admit Louise. Si tu veux, on leur demandera s’ils peuvent nous prêter un jeu d’échecs...
- Ah ! Oui, ça me revient ! les interrompit Karine. C’est là que Tintin s’endort pendant la partie d’échecs et qu’il rêve de Tchang…
- Oh non ! gémit Louise. Vous n’allez pas vous y mettre tous les deux !
- Oh ! C’est bon ! Pas la peine de t’énerver ! C’est juste qu’avec Pascal, un de nos nombreux points communs, c’est d’aimer les albums de Tintin. Et puis de toute façon, ça veut dire quoi, ce nom, là : Charmant Som ? C’est parce qu’on y dort bien qu’il s’appelle comme ça ? C’est un peu comme Bon Repos ?
- Non, répondit sèchement Louise. Le Charmant Som, c’est le nom de la montagne que tu vois là bas.
Pascal entra dans le bâtiment, immédiatement suivi par les deux filles qui semblaient de nouveau en froid. La patronne, une dame d’une petite soixantaine d’années, les accueillit avec un bon sourire.
- Bonjour, Messieurs-dames, dit-elle avec son accent qui rappelait déjà un peu la Suisse.
- Bonjour, répondit Pascal. Je suis Pascal Fontanel. Mon amie Louise Robinson vous a appelée ce matin pour réserver des chambres.
- Ah oui, répondit la patronne en regardant dans le registre, mademoiselle Robinson… vous avez dû avoir ma fille au téléphone tout à l’heure, dit-elle en s'adressant à Louise. Mais comme elle vous l’a sans doute dit, nous accueillons un car de religieuses qui viennent au monastère pour un congrès ou quelque chose comme ça. Il ne me reste plus que deux chambres : une simple et une double. Ça ne vous pose pas de problème, j’espère ?
- Oui, oui, nous sommes au courant, ça ne pose aucun problème : je partagerai la chambre double avec mon compagnon et la demoiselle, dit-elle en désignant Karine, prendra l'autre.
Ils montèrent leurs bagages. Une bonne odeur de cire d'abeille émanait des marches du grand escalier de bois, les mettant immédiatement dans une ambiance montagnarde. Les chambres étaient de petites pièces sobrement meublées, mais très propres et bien soignées. Le bois était partout : murs lambrissés, poutres apparentes, parquet massif. Quelques tableaux de montagne ornaient les murs, et dans les couloirs, plusieurs outils agricoles rappelaient la vocation première de la région.
L’ambiance plaisait à Louise. Elle se tourna vers Pascal, le regard pétillant, un large sourire aux lèvres.
- C'est super ! Encore mieux que sur les photos de leur site !
La chambre de Karine, située sur le même palier était à peu près similaire. Simplement un peu plus petite et située sous une pente du toit. Ils l'avaient laissée là, prenant rendez-vous pour le dîner, que la patronne leur avait proposé de partager vers dix-neuf heures trente avec les sœurs qui rentreraient de leur journée.
Dès que Karine eut refermé la porte, Louise et Pascal se jetèrent sur le lit en riant comme des gamins. Ils avaient l'impression de vivre un rêve. Louise se laissait absorber par le matelas, reposant son corps ankylosé par l’immobilité dans la voiture.
- C’est vraiment incroyable ! dit-elle. Ce matin encore, nous étions à Montpellier, en train de nous demander si la police pourrait nous protéger, et voilà que nous sommes comme en vacances, dans ce décor digne d'un film… ou d’un Tintin. La vie est vraiment pleine de surprises !
- Oui, soupira Pascal, si on m'avait dit que j'allais me retrouver allongé sur ce lit avec toi, je ne sais pas si je l’aurais cru…
Louise se redressa d'un bond, sur la défensive.
- Qu’est ce que tu veux dire par là ?
Pascal se redressa à son tour, il lui sourit.
- Simplement ça…
Et il l'embrassa.
Louise avait l'impression de s’envoler, de ne plus faire partie de la réalité. Sa tête tourbillonnait de ravissement. Toutes les tensions accumulées jusque-là n'existaient plus. Une douce chaleur l'envahissait. Pascal la pressa tendrement contre lui, ses mains effleurant sa peau.
- Ça doit faire presque vingt ans qu’on se connaît. Je… je crois bien que j’ai toujours été amoureux de toi, Louise, depuis que nous sommes tout petits, mais je ne pensais pas que…
Louise posa un doigt sur sa bouche.
- Moi aussi, le coupa-t-elle. Et elle l'embrassa à nouveau. Se blottissant contre lui.
L'éclosion de leurs sentiments l'enivrait de bonheur.
Le reste de l’après midi passa trop vite. Ce n’est que lorsque Karine vint frapper à la porte de leur chambre pour aller dîner qu’ils se rendirent compte qu’au dehors, la nuit était déjà tombée.
Ils sortirent dans le couloir pour aller manger. Celui-ci fourmillait de religieuses. Le car avait dû arriver et elles se hâtaient, qui vers leurs chambres, qui vers la salle de restaurant, en discutant de choses et d'autres, les saluant poliment au passage.
Karine les regarda en souriant.
- Ce n'est pas moi qui risquerais de faire des vœux de chasteté dit-elle en faisant un clin d'œil engageant à Pascal.
- Moi non plus, répondit-il en saisissant Louise par la taille et en l'embrassant.
Louise était contente que Pascal mette un peu les points sur les i avec Karine. Ce n'était certainement pas la manière que, pour sa part, elle aurait choisie, mais au moins c'était sans ambiguïté ! Karine était peut être une gentille fille, mais son côté pieuvre agaçait Louise depuis le début et elle n'avait pas envie de la voir toujours collée à lui. Cette mise au point aurait sans doute l’avantage de faire cesser son manège exaspérant.
- Ah... oui… d'accord ! se contenta de dire Karine avec un sourire, je… je vois que les choses ont évolué depuis ce midi. J'en suis très… contente pour vous.
La patronne avait préparé une gigantesque tartiflette pour les nombreux convives qui étaient arrivés. Les sœurs, toulousaines pour la plupart d’entre elles, firent honneur à cette cuisine des montagnes. Louise remarqua que toutes les nonnes ne portaient pas le même habit : elle en distinguait des grises et des blanches, ce qui lui fit supposer qu’elles devaient appartenir à deux congrégations différentes, peut être même davantage.
Les trois civils montpelliérains se sentaient un peu incongrus au milieu de cette nuée de cornettes, surtout Pascal lorsqu’il réalisa qu’il était le seul homme de toute la salle.
Le repas achevé, Pascal et Louise laissèrent Karine devant sa chambre et lui souhaitèrent bonne nuit.
Restée seule, celle-ci se précipita sur son téléphone et envoya un texto :
"Plan A compromis : on passe au plan B. Tenez-moi au courant."
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